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voir, celui qui s'obstine à la nier encore, alors qu'elle a déjà
été reconnue et acceptée par le grand nombre, celui-là est ex-
posé au même danger, et devient, à son tour, un objet de ri-
sée et de persécutions. Voici une comparaison qui vous fera
parfaitement comprendre cette marche intellectuelle de l'hu-
manité, et ces vicissitudes auxquelles sont exposés ceux qui
vont trop en avant ou qui demeurent trop en arrière des idées
de leur temps. Des voyageurs s'avancent au milieu d'une
plaine déserte. Fatigués d'une course pénible, ils cherchent
vainement des yeux un lieu de repos, ils n'aperçoivent rien
à l'horizon. Tout-à-coup, cependant, l'un d'eux, qui a meil-
leure vue que tous les autres, s'écrie qu'il découvre un clo-
cher ; tous, aussitôt, regardent du môme côté, mais comme ils
ne voient rien, ils se mettent à rire de leur compagnon, ils le
traitent de visionnaire. Celui-ci persiste, il soutient qu'il voit
un clocher, il en décrit la forme, et les plaisanteries redou-
blent. Cependant la caravane continue de marcher, et voilà
qu'un second voyageur voit aussi b clocher, puis, après lui,
un troisième, un quatrième, et enfin, presque tous le décou-
vrent les uns après les autres. Mais il y a encore, dans la
caravane, un individu à vue basse, qui ne voit pas ce que
tous les autres voient, qui seul persiste à soutenir encore qu'il
n'y a point de clocher; et à son tour il devient l'objet des
railleries de tous ses compagnons.
   Ainsi les choses se passent, mais d'une manière malheureu-
sement plus tragique, dans la marche de l'humanité. Les pre-
miers et les derniers à voir une vérité, ont preque toujours,
jusqu'à présent, subi un même sort, ils ont été honnis et
persécutés. Les derniers des payens sont morts martys
comme les premiers des chrétiens, et les derniers défenseurs
du pouvoir absolu ont succombé à peu près de la même ma-
nière que les premiers champions de la liberté. Mais si les
uns et les autres ont été des martyrs, la postérité établit en-