page suivante »
516 voir, celui qui s'obstine à la nier encore, alors qu'elle a déjà été reconnue et acceptée par le grand nombre, celui-là est ex- posé au même danger, et devient, à son tour, un objet de ri- sée et de persécutions. Voici une comparaison qui vous fera parfaitement comprendre cette marche intellectuelle de l'hu- manité, et ces vicissitudes auxquelles sont exposés ceux qui vont trop en avant ou qui demeurent trop en arrière des idées de leur temps. Des voyageurs s'avancent au milieu d'une plaine déserte. Fatigués d'une course pénible, ils cherchent vainement des yeux un lieu de repos, ils n'aperçoivent rien à l'horizon. Tout-à -coup, cependant, l'un d'eux, qui a meil- leure vue que tous les autres, s'écrie qu'il découvre un clo- cher ; tous, aussitôt, regardent du môme côté, mais comme ils ne voient rien, ils se mettent à rire de leur compagnon, ils le traitent de visionnaire. Celui-ci persiste, il soutient qu'il voit un clocher, il en décrit la forme, et les plaisanteries redou- blent. Cependant la caravane continue de marcher, et voilà qu'un second voyageur voit aussi b clocher, puis, après lui, un troisième, un quatrième, et enfin, presque tous le décou- vrent les uns après les autres. Mais il y a encore, dans la caravane, un individu à vue basse, qui ne voit pas ce que tous les autres voient, qui seul persiste à soutenir encore qu'il n'y a point de clocher; et à son tour il devient l'objet des railleries de tous ses compagnons. Ainsi les choses se passent, mais d'une manière malheureu- sement plus tragique, dans la marche de l'humanité. Les pre- miers et les derniers à voir une vérité, ont preque toujours, jusqu'à présent, subi un même sort, ils ont été honnis et persécutés. Les derniers des payens sont morts martys comme les premiers des chrétiens, et les derniers défenseurs du pouvoir absolu ont succombé à peu près de la même ma- nière que les premiers champions de la liberté. Mais si les uns et les autres ont été des martyrs, la postérité établit en-