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323 avait dans son œuvre d'exagéré et de fougueux. Il a opéré h la manière des hommes qui souvent ne font le bien que parce qu'il ne leur est pas donné de faire tout ce qu'ils veu- lent. Ce double travail de Ronsard, sur la langue, ne pouvait être continué par un seul ; les deux tendances auxquelles il avait obéi étaient trop diverses pour ne pas se séparer bientôt. Per- sonne n'accepta toute sa succession, mtsis chacun, y choisis- sant une part, se plaça sous l'inspiration antique ou suivit des traditions plus nationales et plus modernes. Les uns se décla- rent pour ce qui est original, expressif, familier, les vieux mots, les mots empruntés aux patois; ils aiment et vantent tout cela et le regrettent s'ils n'ont pu le faire prévaloir. Les autres soutiennent tout ce qui est régulier, noble, un peu la- tin, les expressions générales et peu usitées, et par cela moins énergiques et moins précises. Etienne Pasquier, Henri Eslienne veulent qu'avant tout on sauve les plus précieux débris de l'ancienne langue : « Je veux queceluy qui désire reluire pardessus les autres en sa langue ne se fie tant en son bel esprit qu'il ne recueille et des mo- dernes et des anciens toutes les belles fleurs qu'il pensera duire à l'illustration de sa langue.... Je souhaite qu'il lise et un roman delà rose et un maitre Alain Charlier et un Claude de Seissel. Non pas pour nous rendre anlicaires (d'autant que je suis d'advis qu'il faut fuir cela comme un banc ou escueil en pleine mer) ains pour les transplanter entre nous, ny plus ny moins que le bon jardinier, sauvageon ou vieux arbre, ente des greffes nouveaux, qui rapportent des fruits souefs (1). » « Aussi sembloit-il à mon père, dit Nicolas Pas- quier, qu'il estoit plus beau à un François d'escrire en sa lan- gue que grécaniser, latiniser, ou asservir sa plume sous une (i) Etienne Pasquier : livre II, lettre XII.