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avait dans son œuvre d'exagéré et de fougueux. Il a opéré
h la manière des hommes qui souvent ne font le bien que
parce qu'il ne leur est pas donné de faire tout ce qu'ils veu-
lent.
   Ce double travail de Ronsard, sur la langue, ne pouvait être
continué par un seul ; les deux tendances auxquelles il avait
obéi étaient trop diverses pour ne pas se séparer bientôt. Per-
sonne n'accepta toute sa succession, mtsis chacun, y choisis-
sant une part, se plaça sous l'inspiration antique ou suivit des
traditions plus nationales et plus modernes. Les uns se décla-
rent pour ce qui est original, expressif, familier, les vieux
mots, les mots empruntés aux patois; ils aiment et vantent
tout cela et le regrettent s'ils n'ont pu le faire prévaloir. Les
autres soutiennent tout ce qui est régulier, noble, un peu la-
tin, les expressions générales et peu usitées, et par cela moins
énergiques et moins précises.
   Etienne Pasquier, Henri Eslienne veulent qu'avant tout on
sauve les plus précieux débris de l'ancienne langue : « Je veux
queceluy qui désire reluire pardessus les autres en sa langue
 ne se fie tant en son bel esprit qu'il ne recueille et des mo-
dernes et des anciens toutes les belles fleurs qu'il pensera
 duire à l'illustration de sa langue.... Je souhaite qu'il lise et
 un roman delà rose et un maitre Alain Charlier et un Claude
 de Seissel. Non pas pour nous rendre anlicaires (d'autant
 que je suis d'advis qu'il faut fuir cela comme un banc ou
 escueil en pleine mer) ains pour les transplanter entre nous,
 ny plus ny moins que le bon jardinier, sauvageon ou vieux
 arbre, ente des greffes nouveaux, qui rapportent des fruits
 souefs (1). » « Aussi sembloit-il à mon père, dit Nicolas Pas-
 quier, qu'il estoit plus beau à un François d'escrire en sa lan-
 gue que grécaniser, latiniser, ou asservir sa plume sous une

  (i) Etienne Pasquier : livre II, lettre XII.