page suivante »
483 venues annoncer que le printemps approche. La satisfaction anime les traits du pauvre petit quand il réussit à obtenir un sou en échange d'un de ses bouquets ; et quand, au contraire, ses sollicitations sont dédaignées, une larme... une grosse larme tombe de ses yeux, et le désespoir se peint sur sa fi- gure. C'est que chaque sou qu'il reçoit le sauve d'un coup.,., lui évite une douleur... lui donne un morceau de pain!... Ah! lorsque vous serez ainsi supplié par un de ces malheureux petits êtres, bravez pour un instant la froideur piquante de la bise, arrêtez-vous, déroulez votre manteau, fouillez dans votre bourse, donnez, donnez à l'enfant qui vous prie ; on ne saurait payer trop cher un bouquet qui porte avec lui le parfum d'une bonne action... Mais souvent, les élans de la générosité sont comprimés par la crainte de mal placer un bienfait. S'il y a des enfants que de cruelles spéculations dévouent au martyre, il y en a, et mal- heusement il y en a beaucoup qui, secouant une discipline importune, ont fui la maison paternelle ou l'atelier de leur maître et mènent une vie errante et désordonnée. Ceux-là aussi invoquent la bienveillance publique, ceux là aussi ont l'air souffrant et malheureux, et cependant ils ne méritent pas qu'on les secoure. Il arrive de là que, lorsqu'on est sollicité par un enfant, on redoute de céder à un sentiment de pitié qui aurait pour résultat d'encourager le vice, au lieu de soulager la misère. L'émotion du cœur allait faire ouvrir la main, les froids conseils de la raison la retiennent fermée ; on passe sans s'arrêter. Peut-on accuser de tels refus d'indifférence ou de dureté? Non ! Ce n'est pas aux citoyens isolés, c'est à la société tout entière qu'il faut, en pareil cas, adresser des reproches. Si, en effet, une organisation sociale intelligente, forte et sage présidait aux destinées du peuple, si la loi, attentive à prévenir le mal, autant, au moins, qu'elle est empressée et sévère à le réprimer, venait s'asseoir au foyer domestique et veillait sur le berceau et sur les premiers pas de l'enfance,