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35 ' « mais moi je ne serai plus; je ne vis qu'aujourd'hui, je n'ai « pas vécu hier, demain je ne serai plus. « Que le regard du soleil, qui me réjouit encore, échauffe « un jour d'autres fleurs, ce n'est pas là ce qui peut adoucir « mon sort. Je suis condamnée à une nuit éternelle ! Oh ! « soleil, tu leur souris d'avance ; pourquoi te ris-tu de moi, « du milieu de tes nuages, avec un froid dédain ? « Malheureuse que je suis ! quand ton doux rayon m'a « éveillée j'ai mis en toi ma confiance, je me suis toujours « tournée vers toi pour t'aimer. Et aujourd'hui tu m'enlèves « la vie 1 Pour en soustraire le dernier reste à ta compassion « orgueilleuse et inutile, je veux, par un dernier effort, me « renfermer fièrement en moi-même, et chercher à t'échapper. « —Mais déjà tu as fait fondre en larmes les glaces de ma « colère. Reçois donc ma vie qui s'enfuit, reçois la dans ton « éternité. Oui, tu parviens même à délivrer mon ame de sa « douleur. Mourante, je te rends grâces pour tous les biens « que tu m'as accordés. « Tout un été, balancée par l'haleine fraîche du vent du « matin, j'ai vu tourner autour de moi la danse des papillons, « j'ai réjoui les yeux par mon éclat, les cœurs par mes par- « fums. Toi qui m'as créée de parfum et d'éclat, je t'en rends « grâces aujourd'hui. « Ornement du monde, quoique petite et modeste, j'ai « fleuri, grâce à toi, dans les champs, comme les étoiles qui « couvrent la prairie d'en haut. Mon dernier souffle ne sera « pas un soupir ! Je veux encore une fois contempler le ciel « et la beauté du monde. » « Soleil éternel de l'univers, viens me consumer et m'unir « à toi ! Ciel fais briller ta tente azurée ; la beauté de mon « calice est passée. 0 printemps, merci pour ton éclat ! Vent « du matin, merci jpour ton souffle ! Je meurs sans chagrin « comme sans espoir ! »