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SOI les hommes se servent de l'instrument qu'on met entre leurs mains, il ne faut pas leur demander de le créer. 11. On ne saurait aborder avec fruit l'étude d'une langue parliculière sans la connaissance des procédés généraux de l'esprit humain. Il faut en avoir recherché les lois, les avoir vérifiées sur les langues anciennes, avoir vu comment le génie des peuples modernes les a modifiées dans les lan- gues nouvelles. L'effet veut être étudié dans la cause, le produit dans la faculté. Mais, avant tout, les langues sont-elles de création hu- maine?— En admirant cet ensemble si compliqué, si vaste et cependant si harmonieux, quelques-uns ont cru pouvoir en douter. En outre, les conventions sur le choix des signes, qu'ils se représentaient comme délibérées et consenties à l'avance, leur ont semblé impossibles sans le secours de ces signes mômes. De là l'hypothèse d'une langue enseignée aux hommes par Dieu lui-même. Platon a dit dans ce sens : « Les mots n'ont pu être imposés primitivement aux choses que par une puissance au-dessus de l'homme, et de là vient qu'ils sont si justes (1). » Assurément Dieu se montre ici comme partout ; mais ce qui vient de lui, ce qui est un don de sa main, ce n'est pas une langue, c'est le verbe, c'est la parole. Dieu a placé en nous cette faculté, avec tant d'autres, et nous en a livré l'exercice ; il a mis en nous le germe et ne préside pas aux détails infinis de son développement. En un mot, nous (r) Cratyle.