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477 sur moi en criant: « Celte petite gueuse-là , elle n'a pas pour deux liards de force ; ça ne peut pas seulement supporter deux caloltes.» Et puis elle m'appelait la PégrioUe; j'ai pas eu d'autre nom, c'a élé mon baptême. — Et quand tu avais élé chercher des vers pour la Chouette, qu'est-ce que tu faisais ? demanda le Chourineur. — La borgnesse m'envoyait mendier autour d'elle jusqu'à la nuit ; car le soir, elle allait faire de la friture sur le Pont- Neuf. Dame! à celle heure-là , mon morceau de pain élait encore bien loin ; mais si j'avais le malheur de demander à manger à la Chouette, elle me battait en me disant : « Fais dix sous d'aumône, Pégriotle, et tu auras à souper! » Alors moi, comme j'avais bien faim, et qu'elle me faisait mal,je pleurais toutes les larmes de mon corps. La borgnesse me passait mon petit eventaire de sucre d'orge au cou, et elle me plantait sur le Pont-Neuf. Comme je sangloltais! comme je grelottais de froid et de faim !... Js restais sur le Pont-Neuf jusqu'à onze heures du soir, ma boutique de sucre d'orge au coû, et pleu- rant bien forl. De me voir pleurer, souvent ça touchait les pas- sant, et quelquefois on me donnait jusqu'à dix, jusqu'à quinze sous que je rendais à la Chouetle. Mais voilà -t-il pas que la borgnesse, qui voyait ça, prend le pli de me donner toujours des coups avant de me mettre en faction sur le Pont-Neuf, afin de me faire pleurer devant les passants et d'augmenter ainsi ma recette. Mais je finis par m'endurcir aux coups. Je voyais que la Chouetle rageait quand je ne pleurais pas : alors, pour me venger d'elle, plus elle me faisait de mal, plus je riais; et, le soir, au lieu de sanglotteren vendant mes sucres d'orge, je chantais comme une alouette, quoique je n'en eusse guère envie... de chanter. — Dis donc... du sucre d'orge... c'est ça qui devait te faire envie, ma pauvre Goualeuse ? — Oh! je crois bien, Chourineur ; mais je n'en avais jamais goûté. Ce n'était pourtant pas faute d'envie.... C'est celte euvie- là qui m'a perdue, vous allez voir comment. Un jour, en rêve-