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les colonies deviennent stationnâmes quand elles n'ont pas
cette forte vitalité qui bientôt en fait des nations. On rapporte
que les Français du Canada en sont encore, pour bien des cho-
ses, au moment de la colonisation et qu'ils ont conservé
longtemps la langue, les idées et même les modes de cette
époque.
    Platon et Cicéron, qui ne connaissaient pas la femme libre,
émancipée, aussi friande de mots nouveaux que d'idées nou-
velles, remarquent que ce sont les femmes qui restent le plus
longtempsfidèlesau vieux langage. Ne sortant pas du gynécée
et du cercle delà famille, presqu'en dehors du mouvement de
la société, elles devaient les dernières abandonner les traditions
 du passé.
    Le renouvellement successif des éléments de la langue n'est
 donc pas un mal puisqu'il est une des conditions de la vie.
 Mais il faut veiller à ce que les mollécules nouvelles prennent
la place des anciennes sans désordre et sans que l'harmonie du
 tout en reçoive aucune atteinte. Bien des mots ont été mal
 faits ou faits mal à propos ; ils ne doivent cependant porter
aucune défaveur aux néologismes nécessaires et bien réussis.
 Les inventions de mots ne sont pas plus faciles que les autres;
 il y a dans la littérature, comme dans les arts, des inventeurs
malheureux, que leurs inventions ont décrédités, qui se sont
 ruinés en essais. Sur ce sujet des mots nouveaux, Du Bellay
s'exprimait ainsi : « Les Grecz et Romains combien qu'ils
 fussent sans comparaison plus que nous copieux et riches,
 nèantmoins ont concédé aux doctes hommes user souvent de
 mots non accoustumez es choses non accoustumées. Ne crains
 doncques d'innover quelques termes, avecques modestie tou-
 tefois, analogie et jugement de l'oreille, et ne te soucie qui
 le treuvebonou mauvais : espérant que la postérité l'approu-
 vera, comme celle qui donne foy aux choses douteuses, lu-