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tre eux une grande différence, elle ne doit aux premiers que
pitié et compassion pour un aveuglement opiniâtre et fatal,
tandis qu'elle vénère les seconds comme les bienfaiteurs hé-
roïques de l'humanité.
   Non seulement ce sens commun qu'on oppose à la sience
et aux théories nouvelles, n'a jamais qu'une autorité fort con-
testable, parce qu'il comprend des notions empruntées à
l'expérience, mais encore, et par là môme, il est de sa nature
essentiellement variable, et ne peut, en conséquence, servir
de mesurefixe/lela vérité et de l'erreur. Le sens commun em-
pirique varie de siècle en siècle, sons l'influence de deux causes
qui tendent constamment à le modifier, d'une part, le redres-
sement des vieilles erreurs, de l'autre, l'addition d'idées nou-
velles par suite des progrès et de la diffusion des sciences.
Aussi le sens commun empirique d'une époque, ne sera pas
le sens commun d'une autre époque, et le sens commun
d'une nation ne sera pas le sens commun d'une autre nation.
Transportez, par la pensée, dans notre dix-neuvième siècle,
un homme de bon sens du moyen-âge, et cet homme, avec ses
préjugés, ses erreurs, ses idées étroites, fausses et incom-
plètes, fera pitié à l'homme de bon sens du XIXe siècle.
Faites encore, si vous le voulez, dans votre imagination, l'ex-
périence contraire, transportez l'homme de bon sens de notre
époque parmi les hommes de bon sens du moyen-âge. Cet
homme, sans nul doute, leur aurait paru un esprit faux, chi-
mérique et dangereux, si tout d'abord ils ne l'avaient pas pris
pour un insensé.
   Le sens commun empirique à la différence du sens com-
mun rationnel, varie donc avec les temps et avec les lieux;
non pas, il est vrai, d'un jour à l'autre, mais lentement et
par des modifications presque insensibles, parce qu'il faut
beaucoup de temps avant qu'une vérité nouvelle pénétre dans
la multitude. Le progrès du gros de l'espèce humaine con-