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gne encore unpeu lui-même « fusance commun deparler(l).»
L'on consent à employer le langage de tous, mais seulement
pour ce qu'on juge au-dessous de la gravité de la langue la-
tine : « ad garriendum de quibuslibet nugis, sufficit mihi
sertno gallicus aut balavicus, » disait Erasme (2). Le latin
reste longtemps seul digne de l'histoire. A la langue vulgaire
de dérouler les inventions capricieuses du conte et du fabliau;
le domaine de la fiction lui appartient, la réalité lui est in-
 terdite.
   Mais comment, au moyen d'une languefixéeà jamais, sans
mouvement et sans vie, suivre les faits de l'histoire dans ce
qu'ils ont de mobile et de progressif? A chaque instant le mot
manquait à l'idée et l'historien ne surmontait celte difficulté
que par le barbarisme, en créant des mots posthumes, ou par
l'application souvent plaisante de formules purement antiques
et païennes à des choses chrétiennes et modernes. Les scho-
lastiques sacrifiaient sans hésiter la pureté de la langue latine
à l'expression plus facile et plus claire des idées de leur temps;
tandisque les Cicêroniens, se faisant scrupule d'user d'un
tour ou d'un mot qui n'eût pas été consacré par les bons au-
teurs, mettaient sans cesse le lecteur à la devine : Le cardinal
Bembo, dans son Histoire de Venise, appelle le Grand-Turc
le Roi des Thraces ; il fait parler le pape au nom des dieux
immortels et l'excommunication devient l'interdiction du feu
et de Veau.
    Par crainte de ces deux inévitables écueils, beaucoup se
bornaient à la chronique, aux mémoires, au récit de ce qu'ils
avaient vu ou de ce qu'ils avaient fait, genre qui réputé infé-
rieur, pouvait se produire dans le déshabillé de la langue vul-
gaire. Commines n'a pas eu la prétention d'écrire l'histoire; ce

  (i) Livre II. Cliap. VI.
  (a) lu Ciceroiriatw.