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387 la loi dès que, par le moyen des mots, elle devient ex- térieure ; l'art de la parole, pas plus qu'aucun autre, ne peut donc s'y soustraire. Une organisation intérieure est indis- pensable aux longues périodes ; leurs membres ont besoin d'être coordonnés, subordonnés. Les moindres parties doivent, suivant leur affinité, être absorbées, ramassées par d'autres plus importantes qui se les incorporent et que l'esprit voit seul. Certes, l'esprit et l'oreille peuvent avouer cette sy- métrie qui donne aux idées la précision, au style l'harmonie et le nombre. Mais il en est une autre exclusive, tyrannique, qui ne veut partout qu'opposition, équilibre, correspondance exacte même dans les détails. Sans hésiter, elle sacrifie la pensée à certains effets sans cesse ramenés ; d'ailleurs, toute pensée lui est bonne, pourvu qu'elle puisse être aisément répartie dans les compartiments qui divisent la phrase; elle aime la gradation, accueille l'antithèse, et, s'il faut allonger une énumération, ne s'effraye pas d'un mot surabondant ou puéril. « 11 arrive rarement, disent MM. de Port-Royal, qu'un orateur se tire d'une période à plusieurs membres sans donner quelque contorsion à la vérité pour l'ajuster à sa figure. » Le slyle coupé, aux rapides allures, fatigue quelquefois par sa vivacité ; il a quelque chose de sautillant et de brusque, mais il échappe davantage à ce défaut. Les éléments en sont si peu nombreux qu'on aurait peine à les grouper sy- métriquement ; encore trouve-t-on moyen de remplacer l'op- position des membres de phrase par l'opposition des mots et d'y faire entrer une infinité de ces belles pointes que Pasquier (1) pouvait admirer dans Montaigne, parcequ'il n'y sacrifie jamais rien de la pensée. Plusieurs de nos mots manquent d'un corrélatif dont la ( i ) Lettre r , livre 18.