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la loi dès que, par le moyen des mots, elle devient ex-
térieure ; l'art de la parole, pas plus qu'aucun autre, ne peut
donc s'y soustraire. Une organisation intérieure est indis-
pensable aux longues périodes ; leurs membres ont besoin
d'être coordonnés, subordonnés. Les moindres parties doivent,
suivant leur affinité, être absorbées, ramassées par d'autres
plus importantes qui se les incorporent et que l'esprit voit
seul. Certes, l'esprit et l'oreille peuvent avouer cette sy-
métrie qui donne aux idées la précision, au style l'harmonie
et le nombre. Mais il en est une autre exclusive, tyrannique,
qui ne veut partout qu'opposition, équilibre, correspondance
exacte même dans les détails. Sans hésiter, elle sacrifie la
pensée à certains effets sans cesse ramenés ; d'ailleurs, toute
pensée lui est bonne, pourvu qu'elle puisse être aisément
répartie dans les compartiments qui divisent la phrase; elle
aime la gradation, accueille l'antithèse, et, s'il faut allonger
une énumération, ne s'effraye pas d'un mot surabondant
ou puéril. « 11 arrive rarement, disent MM. de Port-Royal,
qu'un orateur se tire d'une période à plusieurs membres
sans donner quelque contorsion à la vérité pour l'ajuster à
sa figure. »
   Le slyle coupé, aux rapides allures, fatigue quelquefois
par sa vivacité ; il a quelque chose de sautillant et de brusque,
mais il échappe davantage à ce défaut. Les éléments en
sont si peu nombreux qu'on aurait peine à les grouper sy-
métriquement ; encore trouve-t-on moyen de remplacer l'op-
position des membres de phrase par l'opposition des mots
et d'y faire entrer une infinité de ces belles pointes que
Pasquier (1) pouvait admirer dans Montaigne, parcequ'il n'y
sacrifie jamais rien de la pensée.
   Plusieurs de nos mots manquent d'un corrélatif dont la

  ( i ) Lettre r , livre 18.