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o72 mière aux obscures, nouveauté aux. antiques, usage ans. non acoustumées et douceur aux aspres et rudes (1). » Je sais qu'aujourd'hui la langue n'a plus les mêmes besoins qu'au temps de Du Bellay et que, d'ailleurs, un nombre de mois assez borné suffît à rendre toutes les idées. Mais de ce que par le travail on peut tirer parti d'un instrument incomplet s'en suit-il qu'avec un instrument plus étendu les mêmes efforts n'obtiendraient pas un résultat meilleur? Quand se présente une idée nouvelle faut-il refuser de lui affecter un mot, de le lui attribuer en propre? Et pour les idées anciennes n'est-il pas à désirer qu'on en dislingue les nuances en les fixant par un terme particulier? La richesse d'une langue n'est autre chose que son aptitude à exprimer les sentiments, les idées, non plus en bloc, mais avec des détails infinis. Chaque pensée doit avoir plusieurs mots qui l'expriment avec ses degrés de plus et de moins, de bonne et de mauvaise part, avec les prin- cipales modifications dont elle est susceptible. C'est ainsi que les cordes d'un violon ne vibrent pas seulement à vide, mais, le doigt les pressant à des intervalles divers, elles donnent tous les sons intermédiaires. Les ouvriers qui, à Rome, font de la mosaïque distinguent dans une seule couleur plusieurs cen- taines de nuances; assurément, s'ils avaient à en parler aussi souvent qu'à s'en servir, ils leurs donneraient des noms, si- non à toutes, du moins à leurs groupes principaux. Mais elles sont probablement numérotées : or un chiffre est un nom, peu poétique à la vérité. La langue ne doit pas changer pour ce qui ne change pas, comme les passions et la plupart des choses de l'ordre moral. 11 y a pourtant des sentiments naturels qui, à de certaines époques, prennent d'autres noms, parce qu'ils ont éprouvé une extension ou parce qu'on les rapporte à un autre principe (i) La dc'fense.,,., livre II, chap. VI.