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367 ques franchises, la fantaisie, la liberté, la familiarité disparais- saient du langage et ainsi s'établissait une harmonie parfaite entre la langue et l'état. Un des caractères de cette langue est de serrer la pensée de plus près, d'être plus sobre d'ornements. On voit que l'imagination est un peu tempérée. Les troubles politiques, les discussions religieuses ont donné du sérieux à l'esprit; il va plus droit au but; il conclut mieux et plus vite. On semble se préoccuper moins de l'expression qui, pourtant, est toujours pleine de justesse et de force en môme temps que de simpli- cité ; on dit moins à quoi les choses ressemblent et davantage ce qu'elles sont. Alors la langue a toutes les qualités solides de l'âge mur ; mais elle vient de perdre les grâces naïves, l'enjouement, les allures souples, mobiles, les caprices char- mants de la jeunesse. Les écrivains de la première moitié du XVII0 siècle, placés à la réunion des deux âges, furent livrés aux deux influences, et l'on peut en suivre la trace dans leur écrits, comme au confluent des fleuves on distingue pendant quelque temps les deux courants à la nuance diverse de leurs eaux. C'est ce qui donne à Corneille, à La Fontaine, à Mo- lière un attrait que n'ont pas pour nous au môme degré les écrivains de la langue véritablement classique. Mais quelle est la valeur de ce mot de langue classique, et qu'entend-on quand on nous dit que c'est alors que la langue a été fixée? — Il est bon d'examiner ces expressions pour en connaître l'étendue, et, s'il y a lieu, pour la restreindre. Nous avons une tendance à tout immobiliser autour de nous, à considérer comme définitif ce qui, en pénétrant dans nos habitudes, est devenu comme une partie de nous-mêmes. Les générations font successivement pacte avec certaines lois, certaines formes sociales et de même chaque époque, malgré les expériences du passé, croit la langue fixée. Montaigne en avait fait la remarque : « Nous disons que le langage est Ã