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 cette heure parfaict, autant en dit du sien chaque siècle (1). »
 Et Pasquier s'exprime comme il suit : « Chacun se fait ac-
 croire que la langue vulgaire de son temps est la plus parfaite
et chacun est en cecy trompé.... quoj doncques? Dirons-nous
 que les langages ressemblent aux rivières, lesquelles demeu-
 rant toujours en essence, toutefois il y a un continuel chan-
 gement des ondes : aussi nos langues vulgaires demeurais en
leur général, il y ayt changement de paroles particulières qui
ne reviennent plus en usage? Je vous diray ce que j'en pense.
Je croy que l'abondance des bons aulheurs qui se trouvent en
un siècle authorise la langue de leur temps par dessus les au-
 tres (2). »
    Celle dernière phrase de Pasquier contient une partie de
la vérité, mais l'abondance des bons auteurs ne suffirait pas,
il faut que leur phalange apparaisse au moment où la langue
et l'esprit de la nation atteignent leur point de maturité. Nos
grands écrivains ne font pas autorité seulement par leur génie,
mais aussi, parce qu'ils sont intervenus à propos dans la lan-
gue. Dans un autre temps, dans un autre milieu social et lit-
téraire, sans îa préparation des siècles qui avaient précédé,
ils n'auraient pu fonder ce beau style qui pourtant n'étend jus-
qu'à nous son influence qu'au moyen de leurs ouvrages. Cha-
que génération nouvelle doit, à son tour, lire les belles idées
qu'ils ont si bien exprimées et celte obligation est le principal
lien qui nous retient et nous empêche de nous écarter davan-
tage d'un certain type. Ainsi les principes d'une éducation
honnête accompagnent dans le reste de sa vie celui qui une fois
les a reçus et lui reviennent en mémoire quand les passions
menacent de l'entraîner trop loin.
    À un certain moment cessent les transformations jadis si

 (i) Essais, livre III, oliap. IX.
 (2) Recherches de ta France, livre VIII, rb.ip. III.