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320 clinables, d'allonger une syllabe et accoureir l'autre, et eu faire des piedz ou des mains? et qui gardera noz succes- seurs d'observer (elles choses, si quelques scavans et non moins ingénieux de cest aage entreprennent de le réduire en art? (1) » Ces conseils ne restèrent pas sans être pratiqués : Baïf, Pas- I quier, Jodelle, Rapin, Passerai ont fait des vers métriques français; Baïf et Nicolas Denisot voulurent exprimer les de- grés de comparaison ii la manière des Romains et nous donner docle , doclieur, doclime (doctus, doctior , doctissimus ), essai que Du Bellay lui-même a raillé dans une épigraaime. Ainsi et par la force d'une logique impitoyable le système d'imitation atteignait ses extrêmes et ridicules conséquences. Quelque peine que l'on ressente à voir ce délaissement du fond et des formes naïves de notre vieille poésie, on est ce- pendant forcé de le reconnaître comme fatal. Toute littérature attardée ou naissante, qui lout-à -coup se trouve en présence d'une littérature mûrie et perfectionnée, en subit l'influence. Eblouie de son éclat, elle s'incline, adore et marche en p o - sant exactement ses pas dans les mêmes traces : .... Longe sequero, et vesligia semper adora (2). Dans l'antiquité et les temps modernes, les exemples ne man- quent pas de littératures qui sont irrésistiblement attirées et gravitent longtemps dans la sphère d'une litléralure plus a n - cienne et plus riche. Le grec à l'égard du latin a été la langue dominante, et la littérature française a étendu son empire sur l'Europe entière. Mais il n'est pas moins à regretter qu'elle ait été trop exactement calquée sur celle des anciens. Exercer la tyrannie peut consoler de la subir, mais rien ne remplace la (i) Du Bellay : Livre I, eh. IX, (a) Staee : TIMnlde.