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    clinables, d'allonger une syllabe et accoureir l'autre, et eu
    faire des piedz ou des mains? et qui gardera noz succes-
    seurs d'observer (elles choses, si quelques scavans et non
    moins ingénieux de cest aage entreprennent de le réduire
    en art? (1) »
       Ces conseils ne restèrent pas sans être pratiqués : Baïf, Pas-
I   quier, Jodelle, Rapin, Passerai ont fait des vers métriques
    français; Baïf et Nicolas Denisot voulurent exprimer les de-
    grés de comparaison ii la manière des Romains et nous donner
    docle , doclieur, doclime (doctus, doctior , doctissimus ),
    essai que Du Bellay lui-même a raillé dans une épigraaime.
    Ainsi et par la force d'une logique impitoyable le système
    d'imitation atteignait ses extrêmes et ridicules conséquences.
       Quelque peine que l'on ressente à voir ce délaissement du
    fond et des formes naïves de notre vieille poésie, on est ce-
    pendant forcé de le reconnaître comme fatal. Toute littérature
    attardée ou naissante, qui lout-à-coup se trouve en présence
    d'une littérature mûrie et perfectionnée, en subit l'influence.
    Eblouie de son éclat, elle s'incline, adore et marche en p o -
    sant exactement ses pas dans les mêmes traces :

         .... Longe sequero, et vesligia semper adora (2).
    Dans l'antiquité et les temps modernes, les exemples ne man-
    quent pas de littératures qui sont irrésistiblement attirées et
    gravitent longtemps dans la sphère d'une litléralure plus a n -
    cienne et plus riche. Le grec à l'égard du latin a été la langue
    dominante, et la littérature française a étendu son empire sur
    l'Europe entière. Mais il n'est pas moins à regretter qu'elle
    ait été trop exactement calquée sur celle des anciens. Exercer
    la tyrannie peut consoler de la subir, mais rien ne remplace la


      (i) Du Bellay : Livre I, eh. IX,
      (a) Staee : TIMnlde.