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 et y semez encor' un coup la fameuse nation des Gallogrecs.
 Pillez-moi, sans conscience, les sacrez Ihrésors de ce temple
delphique, ainsi que vous avez fait autrefois : et ne craignez
plus ce muet Apollon : ces fauk oracles, ny ses flesches re-
bouchées. Vous souvienne de vostre ancienne Marseille, se-
condes Athènes et de vostre hercule gallique, tirant les peu-
ples après luy, par leurs oreilles, avecques une chaîne atlachée
à sa langue (1). »
    Voilà sans doute un appel chevaleresque à quelque sublime
entreprise, à quelque périlleuse croisade! Mais si l'on vient a
penser que toute cette inspiration n'a pour but que de r e -
commander l'exactitude du calque, si l'on s'aperçoit que celte
chaleur dépensée ne tend qu'à la froide reproduction d'un
modèle, tout cet entrain semble un peu ridicule : c'est le pla-
giat qui sonne la charge. Et, selon Du Bellay, ce n'est pas
seulement les ouvrages des anciens qu'on doit imiter, c'est la
langue elle-même qu'il faut mouler sur l'antique. Il ne
s'agit de rien inoins que de la remanier, de la plier de nou-
veau à des formes grammaticales abandonnées, de faire enfin
remonter au fleuve son courant : « Je veux aussi, dit-il, que
lu t'efforces de rendre, au plus près du naturel que lu pour-
ras, la phrase et manière de parler latine, en tant que la
propriété de l'une et l'autre langue le voudra permet-
tre (2). » Mais cette dernière restriction est bien vite ou-
bliée : « Il me semble bon et nécessaire de respondre à ceux
qui estiment nostre langue barbare et irrégulière, incapa-
ble de cesle élégance et copie qui est en la grecque et
romaine : d'autant (disent—ilz) qu'elle n'a ses déclinaisons,
ses pieds et ses nombres comme ces deux autres langues
qui eust gardé noz ancestres de varier toutes les parties dé-

  ( i) Du Bellay : Lo Défense, etc., livre II, Conclusion.
  (a) Ici. La Défense, etc., livre II, cli. IX.