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319 et y semez encor' un coup la fameuse nation des Gallogrecs. Pillez-moi, sans conscience, les sacrez Ihrésors de ce temple delphique, ainsi que vous avez fait autrefois : et ne craignez plus ce muet Apollon : ces fauk oracles, ny ses flesches re- bouchées. Vous souvienne de vostre ancienne Marseille, se- condes Athènes et de vostre hercule gallique, tirant les peu- ples après luy, par leurs oreilles, avecques une chaîne atlachée à sa langue (1). » Voilà sans doute un appel chevaleresque à quelque sublime entreprise, à quelque périlleuse croisade! Mais si l'on vient a penser que toute cette inspiration n'a pour but que de r e - commander l'exactitude du calque, si l'on s'aperçoit que celte chaleur dépensée ne tend qu'à la froide reproduction d'un modèle, tout cet entrain semble un peu ridicule : c'est le pla- giat qui sonne la charge. Et, selon Du Bellay, ce n'est pas seulement les ouvrages des anciens qu'on doit imiter, c'est la langue elle-même qu'il faut mouler sur l'antique. Il ne s'agit de rien inoins que de la remanier, de la plier de nou- veau à des formes grammaticales abandonnées, de faire enfin remonter au fleuve son courant : « Je veux aussi, dit-il, que lu t'efforces de rendre, au plus près du naturel que lu pour- ras, la phrase et manière de parler latine, en tant que la propriété de l'une et l'autre langue le voudra permet- tre (2). » Mais cette dernière restriction est bien vite ou- bliée : « Il me semble bon et nécessaire de respondre à ceux qui estiment nostre langue barbare et irrégulière, incapa- ble de cesle élégance et copie qui est en la grecque et romaine : d'autant (disent—ilz) qu'elle n'a ses déclinaisons, ses pieds et ses nombres comme ces deux autres langues qui eust gardé noz ancestres de varier toutes les parties dé- ( i) Du Bellay : Lo Défense, etc., livre II, Conclusion. (a) Ici. La Défense, etc., livre II, cli. IX.