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518 çaieut d'exprimer par des paroles mortes le \if de la société, Du Bellay voulait que la langue naissante balbutiât les vieille- ries de la poésie antique : « On pourroit trouver en noslre langue, (si quelque sçavant homme y vouloit mettre Sa main), une forme de poésie beaucoup plus exquise, laquelle il fau- drait chercher eu ces vieux greez et latins, non point es au- teurs François : pour ce qu'en ceux-ci on ne scauroit pren- dre que bien peu, comme la peau et la couleur : en ceux là on peult prendre la chair, les os, les nerfs et le sang (i). » El ailleurs : « Ly donques et rely, fueillete de main noc- turne et journelle les exemplaires grecz et latins, puis me laisse toutes ces vieilles poésies françaises aux jeux floraux de Toulouze et au puy de Rouan : comme rondeaux, bal- lades, virclaiz, ciianlz royaux, chansons, et autres (elles épiceries qui corrompent le goust de nostre langue et ne servent, sinon à porter lesmoignagc de nostre ignorance... chante rnoy ces odes incognues encor' de la muse françoise d'un lue bien accordé au son de la lyre grecque et romaine, et qu'il n'y ait vers ou n'apparoisse quelque vestige de rare et antique érudition. El quant à ce le fourniront de matières les louanges des dieux et des hommes vertueux, le discours fatal des choses mondaines, la solicitude des jeunes hommes, comme l'amour, les vins libres, et toute bonne chère (2). » Enfin, Du Bellay s'écrie en terminant : « Là donques, Fran- çois , marchez courageusement vers ceste superbe cité r o - maine : et des serves despouilles d'elle, (comme vous avez fait plus d'une fois,) ornez vos temples et autelz. Ne craignez plus ces oies criardes, ce fier Manlie et ce traître Camille qui, soubs ombre de bonne foy, vous surprenne tous nudz, con- tans la rençon du Capitole. Donnez en ceste Grèce menleresse (i) Du Bellay : La Défense, etc., livre II, ch. II. (2) Id. Livre II, rii. IV.