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313 sontdesimplesnotes, comme il le dit dans son prologue, et il les adresse à l'archevêque de Vienne, pour que celui-ci en fasse usage dans l'histoire laline qu'il prépare. Il faut nous féliciter de ce que le voile si lourd à soulever d'une latinité dégénérée ne s'est pas étendu sur ces matériaux précieux de l'histoire, sur ces récits attachants oùlesfaits, lesmœurs, les idées de nos ancêtres sont traduits si naïvement dans leur propre langage. Pour les histoires générales, solennelles, entremeslêes de belles concions et harangues (1), la nullité du fond, à défaut de ce que la for- me a de rebutant, nous en interdirait l'accès. Aux narrateurs de cette époque, il faut demander ce qu'ils ont vu, les écouter comme témoins et recevoir leur déposition. Une histoire gé- nérale n'est guère possible lorsqu'il n'y a aucune vue d'en- semble, lorsque, par un faible intervalle d'espace ou de temps, la connaissance des faits les plus voisins, les plus récents est soustraite à l'historien. Cependant la langue du peuple, si gracieuse dans la bouche des conteurs et des poètes, qui depuis longtemps, selon l'ex- pression de Marot, en rabotaient les gros nœuds, trouvait ac- cueil au dehors. On ne la jugeait pas indigne des grandes compositions. Déjà , dans le XIIIe siècle, un Italien, le frère Martin de Canal, écrivait en français l'histoire de sa patrie parce que la langue française « coroit parmi le monde, et « étoit la plus dileltable à lire et à oïr que nulle autre. » Etienne Pasquier nous alleste celte faveur étrangère qui dès lors frayait à notre langue les voies de l'universalité : « Nous voyons aujourd'huy notre langue en (elle réputation et hon- neur que presque en toute l'Allemagne, (que dy-je, l'Alle- magne, si l'Angleterre et l'Ecosse y sont comprises?) il ne se trouve maison noble qui n'ait précepteur pour instruire ses enfants en nostre langue Françoise? Doncques l'Allemand, (a) Du Bellay.