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çaise, une compensation par la faculté d'accentuer telle ou
telle syllabe suivant les nuances du sens. Cette variété un
peu uniforme d'accents stéréotypés, cette musique notée et
connue d'avance était loin de donner aux langues ce carac-
 tère intellectuel qu'elles reçoivent d'un accent facultatif et
mobile. L'allemand a un accent tonique invariable, mais
comme il repose sur la syllabe radicale de chaque mot, rien
n'est plus rationnel et plus méthodique (1).
    Tout, dans la comparaison des langues modernes avec les
langues antiques, nous montre l'homme s'affranchissant de la
domination du monde extérieur ; partout nous voyons la ré-
flexion réagir contre la sensation. Fatalement modifié par
l'action des objets sur ses sens, l'homme les voit et les nomme
d'abord, et la construction inverse, qui est celle des langues
antiques, témoigne que les impressions vinrent à lui avant
qu'il n'allât à elles, qu'il entendit avant d'écouter. Enfin, i)
cesse d'être un miroir où la nature reflète ses images, il se
fait centre; les sensations voulues et cherchées succèdent à
l'état passif, et dès lors la construction directe place en pre-
mière ligne dans la phrase le sujet qui perçoit.
    C'en est assez, je pense, pour démontrer que l'étude des
procédés de l'esprit dans la formation des langues doit loul
précéder, et que celle d'une langue en particulier doit s'ap-
puyer sur ces généralités. La comparaison d'un certain nom-
bre d'idiomes avec celui qui est l'objet d'une attention spéciale
doit à son tour y porter la lumière. Une autre utilité peut en
être retirée, et la philologie rendraiI ainsi à l'histoire les
services que souvent elle en a reçus : c'est dans leur langue
que les peuples laissent l'empreinte la plus profonde de leur
génie; la trace de leurs sentiments intimes, de leurs idées do-
minantes y est partout visible. Le langage pourra donc con-

  (r) Eichhoff.