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 avons reçu le pouvoir de faire les langues et non une langue
 toute faite (1).
    L'homme a la parole comme il a la pensée, par une
prérogative de sa nature. Mais si aucune de ces deux fa-
cultés n'est antérieure à l'autre, leurs manifestations, loin
d'être simultanées, sont nécessairement successives. Le mot
n'a pu naître avant l'idée, ni en même temps. La pensée
a besoin de s'appuyer sur les signes, mais elle existe sans
eux et avant eux ; il faut donc rejeter tout système qui
ne les lui subordonnerait pas entièrement. La pensée lient
à l'existence de l'homme, c'est quelque chose d'absolu ;
la parole tient à sa vie de relation. Mais ce qui montre
combien l'homme est fait pour la société est combien iî
est impossible de le concevoir hors de ce milieu, c'est que
l'instrument de ses rapports avec ses semblables est en même
temps le moyen nécessaire du perfectionnement de sa pensée
individuelle.
   C'est par l'onomatopée et les figures que l'homme fait sa
langue. 11 prête l'oreille à tous les bruits de la nature et
forme le nom de chaque objet du son qui en émane. Les
sons auxquels il s'essaye d'abord sont ceux qui peuvent être
produits avec un moindre effort et par quelque partie plus
mobile de l'organe encore rude et inculte de la parole : la
lèvre nous a donné la première, la plus extérieure, la plus
douce des consonnes. Cette marche est la même que nous
pouvons chaque jour observer chez l'enfant. Il débute par
des articulations molles comme ses organes. Aussi les mots
que l'on présente à son imitation portent tous une labiale,
et se composent d'une même syllabe deux fois répétée, car
aucune ne saurait lui être plus facile que celle qu'il vient
de prononcer. De la sorte, chaque mot de la langue en-

 (t) Voyez Gciit'S'. cap. II. v. 19.