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298 poésie primitive, et alors l'oiseau merveilleux prend son vol échappant à la prison où il languissait oublié. Il est des ico- noclastes littéraires qui veulent briser l'image, anéantir la figure. Vains efforts ! l'image (non pas l'idole) est au-dessus de leurs atteintes. Elle est le substratum de la langue elle- même. En vain la chasse-l-on de la phrase, on la retrouve dans ses éléments, car elle est sous chaque mot. Pour bien connaître sa langue, il faudrait presque l'avoir faite soi-même ; l'étudier c'est la refaire après l'avoir décom- posée. Sa cohésion dissoute, il s'agit de constater la nature et la proportion de tous ses éléments, de restituer à chaque race ce qui lui appartient. Il faut, dans notre avoir, distinguer ce que nous avons reçu par succession, de nos acquêts postée rieurs. Quand un peuple nous transmet une idée, une dé- couverte, une chose nouvelle quelle qu'elle soit, il y joint le nom qui lui sert à la désigner et nous acceptons le présent tout entier. Il faut aussi noter ces mots venus de langues orientales et lointaines sans qu'on sache toujours par quel chemin. On les reconnaîtrait seulement à leur aspect étrange, comme ces fleurs dont les vents ont transporté la graine dans une contrée nouvelle. Dans ces recherches sur l'histoire de notre langue, dans ce travail de reconstruction, les débris qui subsistent encore se- ront d'un important secours. Tout ce qui change ne se trans- forme pas tellement que le présent ne garde du passé bien des traces qui le rappellent. Les lettres mortes et muettes que beaucoup de mots ont conservées peuvent nous faire retrou- ver celles que le temps a retranchées tout-à -fait. Ainsi, dans le squelette des fossiles, on supplée un organe perdu, un os- sèment brisé. C'est un mal de nos vieilles civilisations que, pour posséder la langue actuelle et vivante, il faut connaître la langue