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poésie primitive, et alors l'oiseau merveilleux prend son vol
échappant à la prison où il languissait oublié. Il est des ico-
noclastes littéraires qui veulent briser l'image, anéantir la
figure. Vains efforts ! l'image (non pas l'idole) est au-dessus
de leurs atteintes. Elle est le substratum de la langue elle-
même. En vain la chasse-l-on de la phrase, on la retrouve
dans ses éléments, car elle est sous chaque mot.
    Pour bien connaître sa langue, il faudrait presque l'avoir
faite soi-même ; l'étudier c'est la refaire après l'avoir décom-
posée. Sa cohésion dissoute, il s'agit de constater la nature et
la proportion de tous ses éléments, de restituer à chaque race
ce qui lui appartient. Il faut, dans notre avoir, distinguer ce
que nous avons reçu par succession, de nos acquêts postée
 rieurs. Quand un peuple nous transmet une idée, une dé-
couverte, une chose nouvelle quelle qu'elle soit, il y joint le
nom qui lui sert à la désigner et nous acceptons le présent
 tout entier.
    Il faut aussi noter ces mots venus de langues orientales et
lointaines sans qu'on sache toujours par quel chemin. On les
reconnaîtrait seulement à leur aspect étrange, comme ces
fleurs dont les vents ont transporté la graine dans une contrée
 nouvelle.
    Dans ces recherches sur l'histoire de notre langue, dans ce
 travail de reconstruction, les débris qui subsistent encore se-
 ront d'un important secours. Tout ce qui change ne se trans-
 forme pas tellement que le présent ne garde du passé bien
 des traces qui le rappellent. Les lettres mortes et muettes que
 beaucoup de mots ont conservées peuvent nous faire retrou-
 ver celles que le temps a retranchées tout-à-fait. Ainsi, dans
 le squelette des fossiles, on supplée un organe perdu, un os-
sèment brisé.
    C'est un mal de nos vieilles civilisations que, pour posséder
 la langue actuelle et vivante, il faut connaître la langue