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 tout ce qu'il garde du passé : on connaîtra le mystère des
 races, leurs migrations, leurs mélanges; les langues habile-
 ment interrogées témoigneront des grands déplacements des
 familles humaines et suppléeront au silence de l'histoire. Qui
 sait si, faisant un échelon de chaque idiome, on ne pourra
 pas remonter à l'origine des choses? On s'élance, mais l'air
 manque bientôt à cet essor ambitieux. Les obstacles et les in-
 certitudes naissent de toute part.
    Si nous voulons suivre une langue au-delà de ses origines
 immédiates, nous arrivons bien vite à un idiome auquel nous
sommes forcés de nous arrêter, parce qu'il ne se rapporte à
rien de connu, parce que, en essayant de le ramener à quel-
 que chose d'antérieur, nous le trouvons irréductible. Nous ne
 pouvons aller plus avant, mais ce n'est pas â dire pour cela
que nous ayons rencontré la langue-mère. « Les langues que
« nous appelons mères, dit de Brosses, sont véritablement
« mères de quelques-unes, mais filles de beaucoup d'autres, »
et l'homme ne peut déchiffrer les titres les plus anciens de
cette lointaine généalogie. Les langues qui, en se succédant,
se lèguent de proche en proche leurs débris, m'apparaissent
comme de larges bassins, d'immenses réservoirs élagés sur
une montagne élevée, chacun se déversant dans celui qui se
trouve au-dessous. Nous gravissons le bas de la montagne,
nous examinons à l'aise l'écoulement des eaux, nous savons
découvrir leurs filtratkms les plus secrètes, leurs suintements
les plus insensibles; mais, pour les bassins supérieurs, l'es-
carpement des rochers en défend l'approche et des nuages
amassés au sommet en dérobent la vue.
   La science moderne a osé s'engager dans ces ténèbres et
s'y est maintefois égarée. Jadis, loin de prétendre écrire les
pages blanches de l'histoire, le philologue, toujours en garde
contre les coïncidences fortuites, ne tenait compte des rap-
ports entre les mois qu'aulant qu'ils semblaient justifiés par