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    L'homme s'enquierl donc de sa parole, mais ce n'est d'a-
 bord qu'un vague désir de connaître. Il veut trouver et ne sait
 pas chercher; il erre sans guide et c'est une analyse instinc-
 tive qui lui montre des parties dans le mot, dans ce qui sem-
 blait l'élément le plus simple du langage.
    La décomposition des mots devait précéder celle des lan-
 gues. Il y a dans les tribus primitives quelque chose de fa-
 rouche qui les confine dans une existence isolée; leurs rela-
 tions rares et presque toujours hostiles ne leur donnent le
 pressentiment d'aucune fraternité dont ils soient portés à re-
 chercher les titres. Presque tous les peuples antiques se
 croyaient autochthones, se disaient nés de la terre qu'ils oc-
 cupaient, comme pour ajouter à leur droit une consécration
 nouvelle. Ce n'est que plus tard, quand les agglomérations
 humaines multipliées sont mises dans un contact forcé de voi-
 sinage ou sont rapprochées par le commerce, que l'oreille, au
milieu des élrangetés d'un langage nouveau, est frappée de
certains rapports de sons et soupçonne l'origine commune de
deux langues et de deux peuples. Alors seulement commence
la science. Mais c'est une Å“uvre lente et difficile de persuader
l'orgueil d'une nation, de le faire consentir a ce que sa lan-
gue ne soit plus que le rejeton ou la branche d'un arbre dont
les racines sont ailleurs. Varron n'a attribué une origine im-
possible à tant de mots qui se rattachaient naturellement à des
mots grecs, que pour leur épargner la honte d'une filiation
étrangère.
    Dés qu'elle n'est plus enfermée dans les frontières d'un seul
peuple, dans le dictionnaire d'une seule langue, la science de
la parole grandit et s'étend, car les rapprochements et les
comparaisons se multiplient. Mais, à mesure que l'horizon
s'élargit, l'espérance s'exalte et s'emporte bien au-delà. A
l'aide d'un instrument encore imparfait, on se flatte de mesu-
rer les champs immenses de l'inconnu, de reprendre à l'oubli