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 c'est-à-dire simplement livre. Peut-être aussi a-t-il choisi ce titre
comme un indice de la véracité de ses censures.
    Guiot était né pour la satire. Esprit délié et pratique, il saisissait
finement les détails, sans tenir compte de l'ensemble. Myope moral,
il distinguait bien, mais de près. L'éducation avait secondé la na-
ture. Guiot, comme Ulysse, avait vu les mœurs et les villes de beau-
coup d'hommes, il avait voyagé en Allemagne, en Palestine; visité
les différents monastères, c'est-à-dire, au moyen-âge, les différentes
nations; parcouru les châteaux, assisté aux cours plénières, connu
les plus hauts barons ; et, au milieu de tout cela, il avait gardé ses
vertus et ses vices de moine encore plus fidèlement que son habit,
car il changea d'ordre plusieurs fois, allant du blanc au noir, de
Clairvaux à Cluny, toujours mécontent, toujours médisant, toujours
malin ; bonhomme au demeurant, et modéré même dans ses malices;
prêchant l'aumône et l'humilité, vivant de l'une et souhaitant l'au-
tre à ses supérieurs, aimant son bien-être pardessus toutes choses
et abhorrant tout ce qui ressemblait au danger, adorant les bons
morceaux et la dive bouteille, Rabelais du Xlle siècle avec la dé-
cence de plus et le génie de moins.
   En qualité de clerc, Guiot devait être lettré, ou du moins le pa-
raître. Aussi affiche-til certaines prétentions littéraires. 11 com-
mence par rendre hommage à la beauté de ses écrits, dans l'espoir
de trouver des imitateurs. C'est un procédé qui date da loin, comme
on voit, et le secret n'est pas encore perdu.
                    . . . Toutes les ordres qui sont
               Se pourront mirer es ( dans les ) beauxdits,
               Et es beaux mots que j'ai écrits (r).


                       îee vous dls-je sans dout?.tice
                       Qu'onques sa pareille ne fu.
   Tout le monde sait que cette diète, tenue par Frédéric Barberousse, pour
le couronnement de son fils Henri, eut lieu en 1181. Il est vrai que l'un
des manuscrits qui nous ont conservé la satire de Guiot est du XIV e siècle ;
mais on ne peut conclure de la dale du manuscrit à celle de l'ouvrage.
   (1) Pour ne point arrêter le lecteur par des difficultés inutiles, je de-
mande la permission de suivre autant que possible dans mes citations l'or-
thographe moderne.