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Dites, après cela, que notre moine ne prêche pas d'exemple !
Dans un exorde en règle, assaisonné de précautions oratoires, il
promet au lecteur une incorruptible impartialité : ni pour or, ni
pour argent ne peut-on acheter son silence. Car il ne relève que
de Dieu et de la raison. Voilà un noble mot ! mais, pour le
dire en passant, voilà un principe bien audacieux. Heureux Guiot
d'avoir vécu au XIIe siècle pour proclamer ainsi impunément
la souveraineté de la raison ! six cent cinquante ans plus tard,
on eût fait contre lui des mandements et des feuilletons, faute
de mieux. Au reste son indépendance sera inséparable de la modé-
ration. Il ne nommera que les vices, tant pis pour les hommes
qui se jugeront offensés.
L'éloquence ne lui suffit pas, il lui faut l'érudition. Il con-
voque l'arrière-ban de ses connaissances classiques :
Des philosophes anciens,
Qui furent ainz (avant) les chrétiens,
(Je) Voudrai cette Bihle fleurir....
Puis il donne savamment l'étymologie du mot philosophe, et
procède à la revue générale de tous ces illustres morts, tels
qu'il a appris à les connaître sur des oui-dire un peu vagues.
A Arle oï (j'entendis) conter molt (beaucoup de) gens
Leur vie en l'histoire sans troffe (tromperie).
La composition de ce panthéon philosophique est assez curieuse.
Thérades en fut, et Platon,
Et Sénèqucs et Aristotes,
Virgiles en refut et Othcs,
Cleo le vieil et Socratés,
El Lucain et Diogenés
l'récien et Àristippus
En furent, et Cléobulus,
En fut 0\ides et Eslaces
Et Tullus cl le grand Hoi'aees,
Et Cligers et Pitagoras.
Ce n'est pas sans quelque plaisir qu'on voit assis à côté d'Aris-^
tote et de Plalon, Ovide, Slace, Lucain, qui ne s'attendaient