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233 montrer alors dignes du patriotisme de leurs pères. La guerre est, sans doute, une mesure extrême, à laquelle il ne faut re- courir qu'après avoir épuisé tous les autres moyens d'obtenir justice. Il en est des guerres comme des procès : le vainqueur ne se retire jamais qu'avec des pertes sensibles. Le désespoir des familles, la cessation de l'industrie, l'interruption de tous les rapports du commerce entre les peuples, la ruine de l'agri- culture, sont, contre les guerres injustes ou simplement inu- tiles, une protestation suffisamment éloquente. Cependant, il ne faudrait pas condamner ainsi toutes les guerres : déclamer contre leur principe môme, ne serait pas moins absurde que de les approuver d'une manière absolue, et de prétendre qu'il faut guerroyer partout, à tout propos. Notre devoir est de souhaiter que la sagesse de tous les peuples de l'Europe pro- longe celte paix heureuse dont nous jouissons depuis trente ans ; et, en second lieu, de mériter, dans le cas où la guerre serait rendue inévitable, la gloire que le plus grand historien de nos jours (l) a reconnue à Louis XIV, de n'avoir fait jamais que des guerres sensées, ne présentant pas ce ca- ractère de déraison et de caprice, jusqu'alors si général; mais, alors môme, souhaitons que l'on puisse dire de nous que notre politique aura été, non seulement habile, mais toujours juste et sage! D'un autre côté, les générations nouvelles seront peu accessibles, soit à la terreur, soit aux sophismes. Toutes les révolutions, môme les plus justes et les plus populaires, entraî- nent toujours à leur suite des désordres momentanés ; car elles remuent profondément les sociétés, et font venir, pour un moment, à la surface, tous ces esprits chagrins, perdus de vices, que la crainte des lois retenait dans l'obéissance et l'obscurité, et qui essaient alors de dominer sans frein et sans (r) M. Guizot ; Cours d'histoire de la civilisation en Europe, leçon XIV.