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 son pays et de son temps. Par conséquent, laissant de côté les
 vieilles admirations ou les formules conventionnelles du mé-
 pris et de la haine, à l'égard des hommes qui se sont mis à la
 léte d'une révolution, l'historien, digne de ce nom, recher-
 chera, avant tout, dans la situation antérieure des sociétés, les
causes profondes, souvent éloignées et secrètes, qui, en se dé-
veloppant lentement et d'elles-mêmes, ont rendu un grand
homme nécessaire et une révolution inévitable.
    Une dernière conséquence de cette manière large et indé-
pendante d'envisager l'histoire, c'est que nous ne nous croirons
pas obligés d'avoir, pour les grands personnages ni même
pour les rois, une admiration aveugle et un enthousiasme sans
réserve. « Epaississez-moi donc un peu la religion qui se va-
« porise à force d'être subtilisée, » écrivait spirituellement
Madame de Sévigné, à propos de Fénélon et du quiétisme. En
lisant les déclamations emphatiques et les éloges des historiens
académiques, nous sommes de môme fréquemment tentés de
leur dire : Faites-nous des héros que nous puissions compren-
dre , ayant des vertus, sans doute, mais aussi des passions et
des défauts inséparables de l'humanité. Quittez le ton décla-
matoire du panégyrique qui n'apprend rien, pourle ton grave,
sévère, impartial de l'histoire qui seul peut nous instruire. Ne
craignez pas de nous montrer les hommes tels qu'ils furent ;
plus ils seront haut placés, mieux nous comprendrons, en
voyant leurs vertus et leurs vices, l'esprit du temps où ils vi-
vaient. Ce ne sera pas, du reste, les dépouiller de leur gloire,
ce sera, au contraire, affermir leur gloire réelle en leur enle-
vant une gloire usurpée. Ainsi, que le conquérant de la Gaule,
que Chlodowig, ait été supérieur à tous les barbares de son
temps par le courage, la ruse surtout, et une certaine intel-
ligence qui lui faisait deviner où il avait à chercher ses points
d'appui pour la consolidation de ses conquêtes, nous ne son-
gerons pas à le nier. Mais restons-en là : n'allons pas faire de