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165 trop étroite, et, prenant enfin son essor, il devint polysylla- bique. La langue avait cessé d'être une, et son développement, aussi varié que rapide, partagea toutes les vicissitudes des peuplades qui se répandirent sur la surface du globe. Bientôt séparées par de longs intervalles, par des montagnes, des fleuves et des mers, intervalles que de grandes révolutions terrestres contribuèrent à augmenter encore, ces peuplades élaborèrent chacune leur langue sous les influences les plus opposées. Mélodieuse dans les régions tempérées, sourde et brève sous les feux des tropiques, forte et âpre dans les glaces du nord , elle peignit la vie contemplative du pâtre, la course haletante du chasseur, les cris menaçants de la tribu guer- rière ; elle s'associa au sort de chaque horde, s'appauvrit par la barbarie, se propagea par la conquête et s'ennoblit par la civilisation. Au milieu des mouvements tumultueux de l'im- mense population humaine, une foule de tribus tombèrent à l'état sauvage en s'éloignant du premier centre de lumières, tandis que d'autres, plus fortunées, s'élevèrent à un haut de- gré de culture. Chez les premières, sans cesse agitées et divi- sées entre elles par des guerres intestines, la langue, déjà dé- générée, se morcela en une multitude d'idiomes aussi vagues et aussi mobiles qu'ils étaient bizarres et incohérents. Chez les nations civilisées au contraire, chez celles qui, par les bien- faits d'un sol fertile et d'une possession permanente, purent vivre d'une vie intellectuelle et connaître les sciences et les arts, la langue se perfectionna et s'étendit d'une manière constante et uniforme, et n'eut d'autres limites que leurs pro- pres frontières. C'est ainsi que les idiomes de l'Europe et une partie de ceux de l'Asie ont une physionomie identique, tandis que ceux de l'Afrique et de l'Amérique diffèrent presque dans chaque bourgade. C'est en parcourant la chaîne entière des langues, en jetant