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153 l'homme, ne peut se faire qu'à l'aide du langage, sappose aussi nécessairement la société. Nous devons nous arrêter sur les idées de M. Blanc St-Bon- net. Relativement au langage, sa théorie est neuve et profonde; elle nous paraît trancher la question tant débattue de l'origine du langage. On a généralement confondu, dans cette discussion, le lan- gage et les langues. Ceux qui ont soutenu que l'homme n'a pas inventé le langage avaient raison ; ceux qui ont pensé que l'homme avait inventé les langues étaient aussi dans le vrai, et cependant les deux systèmes étaient faux. Les uns et les autres ne se sont trompés que parce qu'ils n'ont pas distin- gué deux choses très dislinctes, un élément impersonnel et un élément relatif; mais l'erreur la plus grossière et la plus fa- tale est, sans contredit, l'idée de ceux qui affirment que l'homme, originairement privé de la parole, ne s'y est élevé que par des expériences et des bégaiements successifs. Le langage est autre chose que les langues : « le langage « est le pouvoir de rendre nos pensées par des mots; les lan- « gués sont l'ensemble des mots qu'emploie le langage pour « rendre ces pensées. L'impersonnalilé du langage, comme « Fimpersonnah'té de la raison, impliquait qu'il ne fut point « un produit du moi, sans quoi les hommes ne se seraient point « entendus. La traductibililé universelle des langues prouve « aussi l'unité et l'impersonnalilé du langage. Ainsi, ce qui « a été révélé à l'homme, c'est son pouvoir de parler, c'est « le langage; ce que l'homme a créé, c'est son pouvoir de « nommer, ce sont les langues. » Ce système est toul-à -fait conforme à ce qu'enseigne la tradition dans la Genèse : « Formalis igitur, Dominus « Deus, de humo cunctis animanlibus terrœ, et universis « volatilibus cœli, adduxit ea ad Adam, ut vider et quid « vocaret ea : omne enim quod vocavit Adam animas vi-