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85 par lequel l'infinie félicité jouit d'elle-même est, en même temps, ce qui invite l'être absolu à sortir de lui-même, à réaliser en dehors de lui une vie qu'il puisse aimer, une félicité qui ne soit pas la sienne mais-qui ait en lui son principe et safln : de ce besoindeDieu d'aimer autre chose que lui-même dérive la nécessité de la création. La création ! La distinction de l'infini et du fini, le grand, l'éternel pro- blème pour l'intelligence humaine! La science ne peut prétendre à l'expliquer, car c'est le fait primordial sur lequel toute explication repose, au-delà duquel il n'y a rien que l'impénétrable absolu. L'on- tologie de l'amour a du moins cette portée immense que plus que tout autre système elle nous fait pressentir la loi de ce grand fait de la création. M. Blanc Saint-Bonnet nous découvre une analogie pleine de pro- fondeur et de beauté entre la loi fondamentale de l'accord dans la mu- sique et la grande loi de l'harmonie universelle, le mystérieux rap- port de l'infini et du fini : l'accord suffisant, ut, mi, sol représente la triade divine se suffisant à elle-même, mais dans sa félicité com- plète éprouvant cependant pour atteindre le parfait achèvement du bonheur absolu, le besoin de se reposer sur un quatrième terme har- monique, Yut, qui, avec les trois premières notes, constitue l'accord parfait, ut, mi, sol, ut, lequel représente la vie absolue de la Trinité unie à l'humanité, et consommant son bonheur infini par cette union. Ce genre de preuve est tout-à -fait en dehors des procédés habi- tuels aux philosophes qui se vantent de faire de la science exacte, il relève de la faculté poétique plutôt que du raisonnement, et c'est une erreur bien répandue que l'intuition n'a rien à faire dans la science; il est certain qu'il n'y en a pas trace dans toute l'école du dix-hui- tième siècle, et la plupart de ses adversaires éclectiques ont hérité de ses préventions et de son impuissance au sujet de l'imagination ; l'analogie, le moyen le plus puissant peut-être qui soit donné à l'homme pour approcher des vérités cachées, est tenue pour un jeu d'esprit indigne des penseurs sérieux. On croira faire beaucoup d'honneur à l'explication profonde qu'emploie M. Blanc St-Bonnet, en la taxant d'ingénieuse hypothèse, à ce propos déjà de deux camps opposés on a fait tomber sur lui l'accablante épithète de poète, comme le coup le plus mortel que l'on puisse porter à un philosophe,