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M, Geoffroy a parfaitement compris et apprécié ces deux grands ressorts qui ont été les principaux moteurs de toute la vie de l'em • pereur Napoléon. Aussi, quelle que soit l'habilité avec laquelle il a doté son héros d'un mérite capable de justifier la haute fortune à laquelle il l'a élevé, il n'a pas osé faire disparaître ces penchants qui entraînèrent l'empereur à vouloir primer et dominer partout. Le talent de M. Geoffroy a su tirer parti de cette ombre qui déparaît le modèle dont il voulait représenter l'image : il a justifié ces pas- sions de l'empereur en exagérant à la fois le génie et les succès du grand honome. Mais dans l'œuvre romanesquede M. Geoffroy, comme dans l'histoire réelle de Napoléon, c'est toujours la grande figure du héros qui occupe le premier plan. La nuée de généraux, d'hom- mes d'état, de princes et de rois qui l'entourent et lui servent de comparses dans ce drame immense où il joue le premier rôle, oc- cupent le restant do la scène ; la France et son peuple, repoussés par cette foule dorée qui s'agite et parade, semblent un accessoire sans importance, une sorte de décor passif destiné à encadrer et à étiqueter les faits. De cette organisation spéciale, et heureusement quasi-exception- nelle de l'époque napoléonienne, il résulte que, pendant toute la pé- riode impériale, l'histoire de France est plutôt l'histoire d'un homme que l'histoire d'un peuple. On ne saurait certainement nier sans injustice que cette époque fut brillante et féconde en faits étonnants et glorieux: mais suffit il donc de l'extraoïdinaire et de la gloire pour faire le bonheur des populations? Ce bonheur dépend de cau- ses plus réelles et plus solides. La liberté sans licence, l'interven- tion légale de la nation dans le gouvernement du pays, les garanties contre toute atteinte arbitraire à la franchise individuelle, l'égalité devant la loi, la tolérance religieuse, la presse libre, la moralité dans le pouvoir, et enfin, au dessus de tous ces principes, le principe fondamental de la souveraineté de la nation, telles sont les bases indispensables de tout bonheur social. Ces bases, Napoléon les a-t-il jamais posées? les a-t-il respectées alors que son audace l'a placé à la tête du peuple français ? non ! Général, consul et empereur, Napoléon a toujours eu pour point de départ et pour but de satisfaire à son ambition. Entraîné dans