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G9 soit écrite par Laurent de la Drômo avec la sincérité d'un cons • ciencieux historiographe, soit que cette vie soit enrichie des bril- lantes inventions de M. Geoffroy. Dans la réalité comme dans l'hy- pothèse, le caractère de l'empereur est terni par ce sentiment per- sonnel qui l'excitait à tout rapporter à lui-même. L'historiographe et le romancier ne pouvaient pas plus l'un que l'autre dissimuler ce nuage qui a obscurci la gloire de l'empereur; s'ils avaient agi au- trement, ils se seraient exposés à fausser, le premier la vérité, le second la vraisemblance. Malgré, en effet, que les actes de Napoléon aient dû subir l'inévitable loi des faits, ils n'ont cessé de s'enchaîner par une corrélation morale qui les a constamment placés sous la même influence, et les a toujours unis en un tout homogène parles inten- tions, sinon par les résultats. Du moment que Napoléon devient chef unique de l'état, cet esprit d'envahissement et de domination, cette confiance absolue en lui- même, cette infatuatîon de sa supériorité intellectuelle se manifes- tent avec une intensité qui se développe et se renforce à mesure que sa fortune s'élève. Sa main ambitieuse saisit et annule toutes les libertés et s'empare de tous les pouvoirs. Renouvelant de fait cette déplorable maxime de Louis XIV « Vêtat, c'est moi, » il se considère comme la France incarnée. Oubliant que c'est par la France est pour la France qu'il règne, il s'occupe incessam- ment de sa propre gloire, il se hisse sur une dignité guindée, il s'étaie d'une étiquette ridicule qu'il exhume des vieilles tra- ditions aristocratiques ; enfin il calcule sa rrarche, ses gestes, sa voix, et sur la vaste scène où il a réussi à s'introniser, il se pose continuellement comme un acteur habile qui veut reproduire le personnage de Charlemagne et recueillir, comme cet autre grand homme, la double gloire de législateur et do conquérant. Que l'on observe Napoléon aux Tuileries, au sacre, sur le champ de bataille, à . la Bérésina, à Fontainebleau, au Champ-do-Mai, et enfin sur l'exécrable rocher de Sainte-Hélène, on le retrouve toujours impressionné par ces deux sentiments qui résument sa politique et qui expliquent même jusqu'à un certain point les principaux événe- ments do sa vie, on le retrouve toujours subissant l'influence de son insatiable ambition et de son incommensurable orgueil.