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37 nous répugne aussi bien qu'à Strauss de voir la vie éternelle uniquement dans l'avenir, dans un autre monde. La vie éter- nelle doit commencer en nous déjà ici-bas. Mais il nous répu- gne tout autant, il répugne, nous le croyons, à la nature hu- maine de ne voir la vie éternelle que dans le présent. Malgré les doutes que le fait mystérieux de la mort fait naître journel- lement, il y a quelque chose en nous qui nous promet la con- tinuation de cette vie dans l'avenir le plus lointain, et nous la représente de plus en plus belle et resplendissant^. Nous croyons que notre activité pour le beau, le vrai et le bien est aussi éternelle que nos désirs sont vastes et profonds. Une car- rière sans bornes est la seule qui puisse répondre à l'étendue de nos vœux illimités ! Or, voilà l'idée qui est contenue au tond de V Argument tèléo- logique émis en faveur de l'immortalité, le seul dont nous ayons évité de parler plus haut parmi ceux que Strauss a réfu- tés, parce que c'est, à ce qu'il nous semble, le seul qu'il soit impossible de détruire. Selon nous, la véritable forme de cet argument est donc la suivante : « Nous tendons tous vers l'ab- « solu ; néanmoins, comme êtres finis nous ne pouvons jamais « nous identifier avec lui, donc il ne nous reste d'autre moyen « que d'en approcher éternellement. » D'après les trois fa- cultés fondamentales de l'homme, sentir, penser et vouloir, on peut présenter ce même argument sous trois faces diffé- rentes : a L'homme aspire à un bonheur infini, à une science « infinie, à une sainteté infinie; donc il existe une immorta- « lité dans laquelle, par un progrès sans fin, il approchera « toujours de ce but désiré. » Mais quelle que soit la forme qu'on choisisse, la force de l'argument est toujours la même, parce qu'il repose toujours également sur une base psycholo- gique. De toutes les manières on est forcé d'en reconnaître la puissance, et d'en accepter la conséquence, à moins de vouloir admettre, dans la partie la plus intime de la nature humaine,