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 j'éprouvais le besoin de pénétrer dans la nature de ce merveilleux
  organe, assez délicat pour exprimer les émotions les plus variées
 et les plus légères, en même temps qu'assez fort pour exprimer les
 orages les plus violents des passions. D'où vient cet organe en qui je
 réside, auquel je donne la vie,en qui je vis et je me meus librement?
 Lorsque je me tournais du côté des sciences physiques, j'appris à
 connaître les lois de la physique, je vis comment on ramenait cer-
 tains phénomènes, comme la pesanteur, par exemple, à des cau-
 ses immatérielles, et d'autres agents impondérables. Mais aus-
 sitôt se présenta à moi cette question : pourquoi ces forces et ces
 agents, quelle nécessité ont-ils d'exister ? De même, lorsque je
 m'occupais de l'histoire naturelle et de ses formes si variées, je
 demandais quel était leur but, et on me répondit : ce ne sont que
des degrés par lesquels l'esprit créateur se développe jusqu'à
 l'homme. Et maintenant j'avais trouvé la réponse à toutes mes ques-
 tions, je savais le mot de tous les êtres, ce mot, c'est que l'unique
objet de la philosophie, c'est l'homme. Cependant ce développe-
 ment de l'esprit créateur ne tombe pas toujours sous ma conscience,
la nature est dans l'homme, mais elle n'est pas toute pour l'homme,
et l'homme n'est le but de la nature qu'autant qu'il est appelé à
l'annuler par sa liberté et à aller au delà. Mais la liberté elle-même
ne sera-t-elle pas la plus grande des énigmes ? Les effets et les déve-
loppements de cette liberté, l'œuvre de l'histoire, se déroulent à mes
yeux en une série immense et incompréhensible, tant que l'homme
 sans conscience de son but est entraîné par l'immense mouvement
de l'histoire. Alors l'homme n'est pas son but à lui-même, et tout
le reste est donc aussi sans but. Aussi je retombais dans celle mi-
sère absolue de toute existence dont les lamentables accents ont re-
tenti dans le monde ancien et dans le monde moderne. Il faut que
je me demande, pourquoi quelque chose existe-il ? Aller au-delà de
cette question est le besoin fondamental de la nature humaine, c'est
pour cela que la philosophie qui donne la réponse à celte question a
dû être, de tout temps, et doit être encore la plus avidement re-
cherché , viscère fortes ante Agamemnona, a chanté Horace. Ce
n'est pas seulement sous les platanes, mais aussi sur les bords sa-
crés du Gange et du Nil qu'il y a eu des philosophes ; l'ythagore et