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508 auprès d'un grand nombre d'esprits. Aujourd'hui encore, pour inaugurer le cours de cette année, j'ai pensé ne pouvoir mieux faire que de choisir un sujet de celte nature. Il est reçu, Messieurs, dans un certain monde de traiter fort dédaigneusement ces hautes études auxquelles nous nous livrons ensemble, et, en général, toute recherche spéculative un peu élevée. On les rejette, on les condamne sans examen préa- lable, et ces jugements absolus dont on les frappe, on les pro- nonce presque toujours au nom du sens commun. Au nom du sens commun, des hommes qui se qualifient eux-mêmes avec orgueil du titre d'hommes positifs font chaque jour le procès des théories scientifiques. Dans toutes les discussions, ils l'invoquent comme un argument décisif et triomphant; en vain s'agit-il d'une question à laquelle jamais ils n'ont pensé, grâce aux vives lumières de ce qu'ils appellent leur sens commun, sans hésiter ils la tranchent à l'instant, et ren- voient plus ou moins poliment leur adversaire aux petites maisons. Qui pourrait dire combien les sciences morales et politiques en général, combien la philosophie en particulier, ont eu à souffrir de ces dédains superbes? Qui pourrait dire combien ces hommes positifs avec leur prétendu sens commun ont arrêté de progrès dans le monde? D'un autre côté, il faut en convenir, ces protestations au nom du sens commun ont été quelquefois légitimes et salutai- res. Souvent elles ont arrêté l'avènement d'une vérité nouvelle, mais souvent aussi elles ont empêché le triomphe de théo- ries insensées. D'où vient, Messieurs, que ces protestations au nom d'une même autorité, tantôt soient légitimes et tantôt illégitimes, d'où vient que tantôt elles empêchent le bien et tantôt elles empêchent le mal? La raison de toutes ces contra- dictions est bien simple, elle se trouve toute entière dans la diversité des significations sous lesquelles on prend et invoque Je sens commun. Cette diversité de significations engendre