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484 aurait-on à craindre les déplorables abus dont Eugène Sue £ dépeint deux exemples saisissants en retraçant l'histoire des premières annés de Fleur-de-Marie et du Chourineur? Qu'on se rende compte de la situation désespérée cl des moyens d'action de ces malheureux enfants, et l'on reconnaîtra qu'ils ne pouvaient échapper au sort falal qu'ils ont subi. Abandonnés sur la voie publique par des parenls insouciants, sinon coupa- bles, chacun d'eux a suivi les tendances auxquelles sa nature spéciale le prédestinait. Le petit garçon était, ferme et résolu; il s'esl fait vagabond en attendant de devenir quelque chose de pire. La pelile fdle était faible et timide; elle est devenue la proie d'une mégère qui a cruellement exploité son obéissance, ses grâces enfantines et jusqu'à ses larmes! Pouvait-il en être autrement en présence du laissez-faire accordé par la loi aux volontés du père de famille, ou aux premiers égarements de l'enfant? Dans l'état acluel des choses, aucune prescription lé- gale ne force le père à faire instruire sa famille. Aucune sur- veillance ne s'inquièle de savoir si des leçons de morale p r e n - nent le soin de façonner ces jeunes cœurs à l'inLelligence el à la pratique de la vertu. L'enfant peut être abandonné a lui- même par ses p a r e n t s , il peut errer à son gré sur la voie pu- blique, à demi vêtu, souillé de malpropreté ; la loi absente ne peul le détourner de cette déviation funeste, qui le conduit fatalement au vagabondage et à la perversité. C'est seulement lorsqu'il est vagabond invétéré, c'est quand il s'est mis ouver- tement en opposition avec la loi, que la loi intervient. Mais elle intervient pour réprimer et non pour prévenir, et il est presque toujours trop tard pour que la répression soit effi- cace et produise le repentir et la conversion. Pourquoi donc celte déplorable lacune dans l'organisation sociale, pourquoi ce respecl malentendu de la puissance pater- nelle, pourquoi cette indifférence pour l'avenir du peuple ? Il arrive souvent que des hommes pusillanimes ou irréfléchis reprochent aux classes infimes d'avoir de mauvaises pas- sions ; mais que fait-on pour combattre, chez ces classes, les