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480 la suivre. En courant, j'avais perdu un de mes sabots ; je n'o- sai pas le lui dire ; je l'ai suivie tout de même avec un pied nu... En arrivant, je l'avais tout en sang. Nous perchions dans un grenier de la rue de la Morlellevie. A côlé de la porte de l'allée il y avait un rogomisle ; la Chouette y entra en me tenant toujours par la main. Là , elle but une deiui-chophie d'eau-de-vie sur le comptoir. C'était sa ration ordinaire. Enfin, nous montons chez nous. Je n'étais pas à la noce, je vous en réponds. Nous arrivons, la Cbouelle ferme la porte à double tour. Je me jette à ses genoux en lui demandant bien pardon d'avoir mangé ses sucres d'orge. Elle ne me répond pas, et je l'entends marmotter en marchant dans la chambre : « Qu'est-ce donc que je vas lui faire ce soir, à cette Pégriotle, à cette voleuse de sucre d'orge ? voyons, qu'est-ce donc que je vas lui faire ? » Et elle s'arrêtait pour me regarder, en roulant son œil vert... Moi j'étais toujours a genoux. Tout d'un coup, la borgnesse va à une planche et y prend une paire de tenailles. — Des tenailles! s'écria le Chourineur. — Oui, des tenailles. — Eh ! pourquoi faire ? — Pour te frapper? dit Rodolphe. — Pour le pincer? dit le Chourineur. — Vous n'y êtes pas : c'était pour m'arracher une dent. Le Chourineur poussa un tel blasphème, et l'accompagna d'imprécations si furieuses, que tous les hôtes du Tapis Franc se retournèrent avec élonnement. — Eh bien! qu'est-ce qu'il a donc?dit la Goualeuse. — Ce que j'ai?... mais je la tuerais si je la tenais, la bor- gnesse!... Où est-elle? dis-le moi; où est-elle? si je la trouve, je la refroidis. Et le regard du bandit s'injecta de sang. Rodolphe avait partagé l'horreur du Chourineur, pour la cruauté de la borgnesse; mais il se demandait par quel phé- nomène un assassin entrait en fureur en entendant raconter