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 la suivre. En courant, j'avais perdu un de mes sabots ; je n'o-
 sai pas le lui dire ; je l'ai suivie tout de même avec un pied
 nu... En arrivant, je l'avais tout en sang.
    Nous perchions dans un grenier de la rue de la Morlellevie.
 A côlé de la porte de l'allée il y avait un rogomisle ; la
 Chouette y entra en me tenant toujours par la main. Là, elle
 but une deiui-chophie d'eau-de-vie sur le comptoir. C'était sa
ration ordinaire. Enfin, nous montons chez nous. Je n'étais pas
à la noce, je vous en réponds. Nous arrivons, la Cbouelle
 ferme la porte à double tour. Je me jette à ses genoux en lui
 demandant bien pardon d'avoir mangé ses sucres d'orge. Elle
 ne me répond pas, et je l'entends marmotter en marchant dans
 la chambre : « Qu'est-ce donc que je vas lui faire ce soir, à
cette Pégriotle, à cette voleuse de sucre d'orge ? voyons,
 qu'est-ce donc que je vas lui faire ? » Et elle s'arrêtait pour
me regarder, en roulant son œil vert... Moi j'étais toujours a
 genoux. Tout d'un coup, la borgnesse va à une planche et y
 prend une paire de tenailles.
   — Des tenailles! s'écria le Chourineur.
   — Oui, des tenailles.
    — Eh ! pourquoi faire ?
    — Pour te frapper? dit Rodolphe.
    — Pour le pincer? dit le Chourineur.
    — Vous n'y êtes pas : c'était pour m'arracher une dent.
   Le Chourineur poussa un tel blasphème, et l'accompagna
d'imprécations si furieuses, que tous les hôtes du Tapis Franc
se retournèrent avec élonnement.
   — Eh bien! qu'est-ce qu'il a donc?dit la Goualeuse.
   — Ce que j'ai?... mais je la tuerais si je la tenais, la bor-
gnesse!... Où est-elle? dis-le moi; où est-elle? si je la trouve,
je la refroidis.
   Et le regard du bandit s'injecta de sang.
   Rodolphe avait partagé l'horreur du Chourineur, pour la
cruauté de la borgnesse; mais il se demandait par quel phé-
nomène un assassin entrait en fureur en entendant raconter