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471 moral. On ne peut s'empêcher, même en admirant les beautés dont ils abondent, de regretter que leur auteur se fût engagé dans une aussi mauvaise voie. Mais Eugène Sue avait trop de tact pour rester ainsi fourvoyé ; il abandonna bientôt le ma- lencontreux système qu'il avait un moment suivi. Ses œuvres se moralisèrent : la publication de Malhilde, placée entre celles de Hercule Hardi et de Barbe Bleue, vint jeter sur son talent un nouvel el plus noble éclat. On se rappelle avec quel empressement on dévora ces iongs Mémoires d'une jeune Femme., publiés en feuilletons tou- jours trop courts au gré du public impatient. Talent d'obser- vation, génie inventif, intelligence des situations dramatiques, bridant coloris, finesse de détails, ce roman réunissait toutes les qualités qui motivent et justifient un éclatant succès; il éleva au plus haut degré la réputation de son auteur. La critique trouva pourtant à s'exercer sur celte belle œu- vre. On reprocha à Eugène Sue d'avoir outré le caractère de ses personnages ; on le blâma d'avoir supposé une méchance- té aussi persistante et aussi raffinée que celle de M"* de IVfa- rans, une lâcheté aussi vile que celle de Contran de Lancry, une perversité aussi dégoûtante que celle de Lugarlo. Quelle que soit l'estime inspirée par le talenl qui dislingue Eugène Sue, il faut convenir que celte critique fut, jusqu'à un certain point, fondée. La lecture de Malhilde entretient l'aine dans une continuelle angoisse. Alors même que depuis quelque temps on a quitté ce livre, ie cœur est oppressé, l'esprit est sous l'influence d'un inalaise moral qui prédispose à la m y - sunl'iropie. Toute l'admirable vertu de Malhilde, toute la belle conduite de Rochegune, ne peuvent combattre et détruire ces impressions pénibles. On est à la fois mécontent et satisfait de l'auteur : mécontent, parce qu'on voudrait qu'il eût moins exagéré le mal qu'il raconte; satisfait, parce qu'on est entraî- né à lui pardonner son exagération en faveur de son laie))',. Ce dernier sentiment est celui qui prédomine en définitive. DÛ là , cet empressement général pour les Mémoires d'une jeune