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moral. On ne peut s'empêcher, même en admirant les beautés
dont ils abondent, de regretter que leur auteur se fût engagé
dans une aussi mauvaise voie. Mais Eugène Sue avait trop de
tact pour rester ainsi fourvoyé ; il abandonna bientôt le ma-
lencontreux système qu'il avait un moment suivi. Ses œuvres
se moralisèrent : la publication de Malhilde, placée entre celles
de Hercule Hardi et de Barbe Bleue, vint jeter sur son talent
un nouvel el plus noble éclat.
   On se rappelle avec quel empressement on dévora ces
iongs Mémoires d'une jeune Femme., publiés en feuilletons tou-
jours trop courts au gré du public impatient. Talent d'obser-
vation, génie inventif, intelligence des situations dramatiques,
bridant coloris, finesse de détails, ce roman réunissait toutes
les qualités qui motivent et justifient un éclatant succès; il
éleva au plus haut degré la réputation de son auteur.
   La critique trouva pourtant à s'exercer sur celte belle œu-
vre. On reprocha à Eugène Sue d'avoir outré le caractère de
ses personnages ; on le blâma d'avoir supposé une méchance-
té aussi persistante et aussi raffinée que celle de M"* de IVfa-
rans, une lâcheté aussi vile que celle de Contran de Lancry,
une perversité aussi dégoûtante que celle de Lugarlo. Quelle
que soit l'estime inspirée par le talenl qui dislingue Eugène
Sue, il faut convenir que celte critique fut, jusqu'à un certain
point, fondée. La lecture de Malhilde entretient l'aine dans
une continuelle angoisse. Alors même que depuis quelque
temps on a quitté ce livre, ie cœur est oppressé, l'esprit est
sous l'influence d'un inalaise moral qui prédispose à la m y -
sunl'iropie. Toute l'admirable vertu de Malhilde, toute la belle
conduite de Rochegune, ne peuvent combattre et détruire ces
impressions pénibles. On est à la fois mécontent et satisfait
de l'auteur : mécontent, parce qu'on voudrait qu'il eût moins
exagéré le mal qu'il raconte; satisfait, parce qu'on est entraî-
né à lui pardonner son exagération en faveur de son laie))',.
  Ce dernier sentiment est celui qui prédomine en définitive.
DÛ là, cet empressement général pour les Mémoires d'une jeune