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tandis que, poussé par quelque vanité, le peuple cherche parfois à imiter le langage poli et froid des classes supé- rieures. A aucune époque ces échanges n'ont été plus nom- breux que de nos jours, ou plutôt, un grand mélange s'est fait dans la langue comme dans la société. Dans un état où les classes sont nettement séparées par les privilèges, les idées, les habitudes, chacune a sa langue distincte. Qu'une révolution brise ces barrières, toutes ces langues partielles se réunissent et fondent leurs nuances dans une teinte générale. La fusion qui a lieu alors entre les diverses classes d'une môme nation est tout-à -fait analogue à celle de plusieurs peuples : une langue nouvelle se forme aussi, seulement, comme ses éléments diffèrent moins, l'as- similation en est plus vite accomplie. VI. Celui-là se tromperait étrangement qui, pour mieux étu- dier la langue, s'efforcerait d'isoler le mot de l'idée et de les considérer séparément. Tout consiste, au contraire, à surprendre le secret de leur union. C'est pourquoi je ne veux pas terminer sans dire quelque chose des rapports de la pensée et de l'expression et de l'influence réciproque qu'elles exercent l'une sur l'autre. On a pu choisir I'ame et le corps pour représenter l'in- timité de l'idée et du mol, mais cette comparaison n'est pas de nature à être suivie plus loin : une intelligence active n'est servie bien souvent que par des organes inertes ou rebelles ; l'esprit ne se doue pas lui- même de sa forme matérielle et il arrive parfois qu'entre eux le désaccord est aussi grand que l'union est étroite. Mais quand l'idée s'in-