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 Usée et h bout de ressources; ainsi l'on voit de jeunes filles
 renoncer à leurs grâces naturelles et pratiquer les leçons
d'une coquette sur le retour. Une époque pareille se rencon-
tre presque en toute littérature, mais n'y est pas durable^
Cette inquiétude maladive est bientôt apaisée. Le dégoût d'un
côté, de l'autre un attrait renaissant met fin à ce qui n'est
jamais dans une langue qu'un épisode ridicule.
   Une dernière cause d'abaissement pour une langue me
reste h signaler, c'est quand la poésie n'y est plus cultivée
ni goûtée. Sans les exemples de celte sœur pleine de majesté,
la prose ne pourrait se soutenir; il faut que, stimulée d'une
émulation respectueuse, elle cherche, non à la surpasser, mais
à n'en pas demeurer Irop loin. Si l'on ne v'se un peu au-
dessus du but, on risque de le frapper trop bas; pour ne pas
déchoir, il faut marcher les yeux fixés sur un idéal : la poésie,
c'est l'idéal de la prose.
   Ceux qui penseraient que ces causes de corruption ne
peuvent être combattues et surmontées, ceux qui, endormis sur
quelque page du style moderne, auraient rêvé de décadence,
devraient cependant convenir que de nos jours la corruption,
centralisée et partout répandue au moyen de la presse, au-
rait un caractère nouveau et peul-ôlre moins funeste. Si
l'analogie et la justesse disparaissaient de la langue, ce serait
quelque chose d'y conserver l'uniformité : le bienfait de la
loi vient de la nécessité d'une règle unique autant que du
besoin de la justice.
   Mais, quelque soit notre opinion sur ces variations de la
langue, il faut nous contenter de les étudier dans le passé,
car il est difficile de rien prévoir pour l'avenir. L'esprit ne
procède pas toujours de la môme manière dans les modifica-
tions qu'il apporte à la forme matérielle des mots et à leur
acception; non seulement il change de voie, mais il en adopte
parfois une directement contraire. On peut affirmer le pour