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o /5 et là majesté de l'empire? Rome débordait sur le monde comme un fleuve grossi qui, en laissant, partout trace de son passage, charge et teint ses eaux d'un limon qui les altère. De même qu'en absorbant toutes les nations dans son sein, elle cessait d'être une nation, le latin, en s'ouvrant aux lan- gues vaincues, perdait son caractère. D'après Sénèque, la corruption du langage suivrait tou- jours «elle des mœurs (l). Mais, s'il est vrai que la perfeclion des langues consiste à traduire fidèlement le génie des peu- ples, on ne peut dire qu'elles se corrompent lorsqu'elles en suivent tous les mouvements pas à pas. S'il y a abaissement des esprits, amollissement des courages, la parole ne dégé- nère pas en se réglant sur un mode approprié à ce nouvel état des âmes. Alors la meilleure langue possible est celle qui exprime le mieux les recherches du luxe, les raffinements de la sensualité. Et précisément on la proclame déchue quand plus que jamais elle fait preuve de ressources et de souplesse pour suivre une telle société dans tout ce que lui suggère de factice son activité inquiète. De même, pour un peuple de mœurs antiques et sévères, une langue simple et rude comme lui, bornée comme ses besoins et ses idées, sera la meilleure. Beaucoup de choses n'y seront pas nommées, comme dans les lois de Solon certains crimes n'étaient pas prévus; mais un temps vient malheureusement où l'on est forcé de complé- ter le dictionnaire et le code, en y inscrivant les noms de vices nouveaux, la peine de crimes crus impossibles. Donc le seul mérite de la parole est d'être docile, flexible, exercée à tout dire, de refléter les mœurs les plus diverses, de mettre en r e - lief toute pensée dégradée ou pure, abaissée ou sublime: esclave obéissante, ne lui imputons pas le mal contenu dans les messages qu'on lui donne à porter. (i) Ubicumque vitkris oralionem corruplum placere, ibi mores quoque a reclo descivisse non eril dubium. (Epist. n | ) .