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835 lenler Eve, et à celui dont se servit l'âne de Balaam lorsqu'il eût à interpeller sou maître. Voici ce qui arriva chez l'une des nations qui revendiquaient jadis, pour leur langue, le litre de langue primitive. Un enfant fut porté, dès sa naissance , dans une cabane isolée autour de laquelle veillaient deux gardes jour et nuit. Ceux qui lui donnaient des soins observaienlunparfaitsilence et le laissaient seul le plus possible. On avait résolu de l'éle- ver ainsi, jusqu'au moment où il serait en âge de parler, cer- tain alors que les premiers mots qu'il articulerait appartien- draient à la langue naturelle, puisqu'il ne les aurait appris de personne. Ce moyen, comme on peut en juger, était fort in- génieux à moins toutefois que par le fait, l'enfant ne demeurât muet. On fut très attentif au développement de ses facultés, mais durant tout le cours de la première année, on n'eut rien que de fort accoutumé à observer. A mesure qu'il grandissait on mit un soin nouveau à garder autour de lui le mutisme le plus absolu, et l'époque si intéressante à laquelle il devait parler était arrivée que jamais aucun son articulé n'avait frap- pé ses oreilles et n'était venu en aide à sa langue. Il est vrai que de son côté l'enfant continuait à ne dire absolument rien. Or, savez-vous comment cela finit lorsque, pour voir s'il parlerait, on s'avisa de l'aller voir sans lui porter à manger? — Il fit entendre un miaulement plaintif, mais un vrai, un parfait miaulement; — et, comme on ne le servait pas, il miaula à plusieurs reprises avec une perfection à désespérer les chats et surtout à déconcerter les hommes qui avaient at- tendu cet instant pour déterminer quelle était la langue pri- mitive. — Quoi? disait l'un, il a miaulé? — Est-ce possible? disait l'autre. — Les langues, disait un troisième, viendraient- elles en effet du miaulement ? On n'est pas sûr que des éiymoîogisles n'eussent pas déjà trouvé plusieurs dérivés très heureux lorsqu'on reconnut qu'un chat venait à la dérobée visiter le petit isolé, et que