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lenler Eve, et à celui dont se servit l'âne de Balaam lorsqu'il
eût à interpeller sou maître.
  Voici ce qui arriva chez l'une des nations qui revendiquaient
jadis, pour leur langue, le litre de langue primitive.
   Un enfant fut porté, dès sa naissance , dans une cabane
isolée autour de laquelle veillaient deux gardes jour et nuit.
Ceux qui lui donnaient des soins observaienlunparfaitsilence
et le laissaient seul le plus possible. On avait résolu de l'éle-
ver ainsi, jusqu'au moment où il serait en âge de parler, cer-
tain alors que les premiers mots qu'il articulerait appartien-
draient à la langue naturelle, puisqu'il ne les aurait appris de
personne. Ce moyen, comme on peut en juger, était fort in-
génieux à moins toutefois que par le fait, l'enfant ne demeurât
muet. On fut très attentif au développement de ses facultés,
 mais durant tout le cours de la première année, on n'eut rien
 que de fort accoutumé à observer. A mesure qu'il grandissait
 on mit un soin nouveau à garder autour de lui le mutisme le
 plus absolu, et l'époque si intéressante à laquelle il devait
 parler était arrivée que jamais aucun son articulé n'avait frap-
 pé ses oreilles et n'était venu en aide à sa langue. Il est vrai
 que de son côté l'enfant continuait à ne dire absolument
 rien.
   Or, savez-vous comment cela finit lorsque, pour voir s'il
parlerait, on s'avisa de l'aller voir sans lui porter à manger?
— Il fit entendre un miaulement plaintif, mais un vrai, un
parfait miaulement; — et, comme on ne le servait pas, il
miaula à plusieurs reprises avec une perfection à désespérer
les chats et surtout à déconcerter les hommes qui avaient at-
tendu cet instant pour déterminer quelle était la langue pri-
mitive. — Quoi? disait l'un, il a miaulé? — Est-ce possible?
disait l'autre. — Les langues, disait un troisième, viendraient-
elles en effet du miaulement ?
   On n'est pas sûr que des éiymoîogisles n'eussent pas déjà
trouvé plusieurs dérivés très heureux lorsqu'on reconnut
qu'un chat venait à la dérobée visiter le petit isolé, et que