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fois, non seulement les scavants, mais aussi toutes sortes
d'ouvriers et gens mécaniques, comme mariniers, fondeurs,
peintres, engraveurs et autres, scavok leurs inventions, les
noms des matières, des outilz et les termes usitez en leurs
arts et mestiers pour tirer de là ces belles comparaisons, el
vives descriptions de toutes choses (1). » Pasquier, sur le
même sujet, s'exprime ainsi : « Je veux que celui que je
vous figure ne contemne nul quel qu'il soit en sa profes-
sion : pour parler du faict militaire, qu'il haleine les capitaines
et guerriers ; pour la chasse les veneurs;.... voire jusqu'aux
plus petits artisans en leurs arts et manufactures;.... aussi
trouvent-ils en leur sujet des termes hardis, dont, la plume
d'un homme bien escrivant scaura faire son profit en temps
et lieu (2). »
    Presque tout ce que tenta Ronsard était fondé en raison.
Quoi de mieux que de recourir pour la langue à ses sources
primitives, ou de veiller à ce que rien ne se perde de ses ri-
chesses propres? Mais il fallait y apporter quelque discrétion
et procéder avec l'aide du temps. Avant d'être familiarisée avec
les mots nouveaux, l'oreille s'étonnait à des mots plus étran-
ges encore : c'était comme une invasion dans la langue; non
content d'indiquer et d'ouvrir la carrière, Ronsard la voulut
parcourir tout entière et à la course. La mesure seule manqua
à l'entreprise dont il fut le chef. Il eut le tort de croire trop
facilement au triomphe et de faire suivre de l'apothéose son
apparente victoire : le nomàe pléiade n'aurait jamais dû rem-
placer celui de brigade qui convenait si bien à la discipline et
à l'ardeur toute militaire de sa petite phalange. En définitive,
l'influence de Ronsard ne devait pas être nuisible, mais a con-
dition qu'une juste réaction viendrait corriger ce qu'il y


  (i) La Défense, etc., Inre II, ch.XI.
  (?.) Livre 17, lettre XII.