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295 nîsation la plus dissemblable, par les distances les plus gran- des, par trente siècles écoulés! et ce ne serait rien encore, si l'on n'acquiérait, avec celle de la langue, une connaissance parfaite de son génie, de ses variations, de la manière de la prononcer et de l'écrire. — Eh bien ! la seule idée qu'il se peut qu'on échoue est plus terrible à affronter que tous ces obstacles réunis. On n'entrevoit pas sans se troubler la pers- pective de tant d'efforts couronnés par une déception. Et quelles pensées ne viennent pas vous assaillir! quelles crain- tes de n'arriver qu'à des conjectures vagues et sans valeur comme les analogies de sons qui en seraient la base ! si l'es- prit prenait ses préoccupations pour des réalités! si, dépouillé insensiblement de son impartialité, il en venait un jour à se contenter trop facilement, ne demandant pas mieux de se faire illusion et de fermer les yeux sur la stérilité désolante de ses travaux ! Si l'on se borne, au contraire, à vouloir reconnaître et sui- vre le lien par où sa langue se rattache à ses origines princi- pales et prochaines, cela mérite à peine le nom de science. En effet, des connaissances assez ordinaires y suffisent, jointes à une certaine sagacité d'esprit que développe rapidement l'exercice. Ce n'est pas, comme on le voit, acheter trop cher l'intelligence complète et intime de sa langue. Son génie, ses tendances ne sont plus un secret dès qu'on a étudié sa forma- lion et ses changements; avant on pouvait la savoir, alors seu- lement on la possède. Ce résultat est, je le sais, le moins vaste et le moins séduisant, mais c'est le plus utile et le plus sûr. L'Académie n'indique pas les étymologies dans son nouveau dictionnaire et donne pour raison que, dédaignant de les pui- ser aux sources les plus voisines, elle a jugé trop hasardeux de les chercher dans les langues sanscrite et Scandinave. Ces étymologies, fussent-elles certaines, serviraient de peu à la perfection du langage, seul but du dictionnaire de l'Acadé-