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nîsation la plus dissemblable, par les distances les plus gran-
des, par trente siècles écoulés! et ce ne serait rien encore, si
l'on n'acquiérait, avec celle de la langue, une connaissance
parfaite de son génie, de ses variations, de la manière de la
prononcer et de l'écrire. — Eh bien ! la seule idée qu'il se
peut qu'on échoue est plus terrible à affronter que tous ces
obstacles réunis. On n'entrevoit pas sans se troubler la pers-
pective de tant d'efforts couronnés par une déception. Et
quelles pensées ne viennent pas vous assaillir! quelles crain-
tes de n'arriver qu'à des conjectures vagues et sans valeur
comme les analogies de sons qui en seraient la base ! si l'es-
prit prenait ses préoccupations pour des réalités! si, dépouillé
insensiblement de son impartialité, il en venait un jour à se
contenter trop facilement, ne demandant pas mieux de se faire
illusion et de fermer les yeux sur la stérilité désolante de ses
travaux !
    Si l'on se borne, au contraire, à vouloir reconnaître et sui-
vre le lien par où sa langue se rattache à ses origines princi-
pales et prochaines, cela mérite à peine le nom de science. En
effet, des connaissances assez ordinaires y suffisent, jointes à
une certaine sagacité d'esprit que développe rapidement
l'exercice. Ce n'est pas, comme on le voit, acheter trop cher
l'intelligence complète et intime de sa langue. Son génie, ses
 tendances ne sont plus un secret dès qu'on a étudié sa forma-
 lion et ses changements; avant on pouvait la savoir, alors seu-
 lement on la possède. Ce résultat est, je le sais, le moins vaste
 et le moins séduisant, mais c'est le plus utile et le plus sûr.
    L'Académie n'indique pas les étymologies dans son nouveau
 dictionnaire et donne pour raison que, dédaignant de les pui-
 ser aux sources les plus voisines, elle a jugé trop hasardeux
 de les chercher dans les langues sanscrite et Scandinave. Ces
 étymologies, fussent-elles certaines, serviraient de peu à la
 perfection du langage, seul but du dictionnaire de l'Acadé-