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hospitaliers par vertu naturelle comme on l'est en d'autres
pays par tradition.
   Saccadés, brusques, souvent interrompus par des cris et
empruntant quelque chose d'un peu aigre aux sons de la vielle,
les airs savoyards qui ajoutent à la gaîlé d'une fête et abrègent
les soirées d'hiver, sont les mêmes qu'on entend dans la so-
litude des pâturages. La chanson la plus touchante de la con-
trée est à la fois la plus originale, c'est celle que psalmodient
généralement les jeunes filles.
  Voici la pensée qui revient à de réguliers intervalles :
              L'été) nos bœufs périren! tous;
              L'hiver, le froid lui mon père ;
              Quant au printemps le ciel fut doux,
              L'avalanche emporta ma mère;
              — Ah! al, ah! al; ah! al; —
              Le bon Dieu seul ne nous fait pas de mal!



                                III


   Dans les Cévennes, plus peut-être que dans aucune autre
partie des montagnes, le chant du pâtre a un caractère parti-
culier, une physionomie naïve toute à lui, et l'on reconnaît
qu'il lui a été transmis sans altération dans son originalité pri-
mitive, comme le grand manteau doublé d'écarlale, le feutre
à larges bords et le bâton recourbé. Le refrain de toutes les
chansons consiste à répéter en entier l'air sans les paroles ;
et soit instinct musical, intention réelle de la part du chanteur;
ou simplement un effet organique qui fait que la voix baisse
comme pour chercher à se reposer, ce refrain a toujours une
allure lente et mélancolique quelle que soit la vivacité de l'air
qu'il reproduit. De même que les pâtres cévenols regardent
comme la meilleure danseuse celle qui danse le plus longtemps,
ils considèrent assez volontiers comme le plus habile chanteur,
celui qui chante le plus fort.