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2 5 fi hospitaliers par vertu naturelle comme on l'est en d'autres pays par tradition. Saccadés, brusques, souvent interrompus par des cris et empruntant quelque chose d'un peu aigre aux sons de la vielle, les airs savoyards qui ajoutent à la gaîlé d'une fête et abrègent les soirées d'hiver, sont les mêmes qu'on entend dans la so- litude des pâturages. La chanson la plus touchante de la con- trée est à la fois la plus originale, c'est celle que psalmodient généralement les jeunes filles. Voici la pensée qui revient à de réguliers intervalles : L'été) nos bœufs périren! tous; L'hiver, le froid lui mon père ; Quant au printemps le ciel fut doux, L'avalanche emporta ma mère; — Ah! al, ah! al; ah! al; — Le bon Dieu seul ne nous fait pas de mal! III Dans les Cévennes, plus peut-être que dans aucune autre partie des montagnes, le chant du pâtre a un caractère parti- culier, une physionomie naïve toute à lui, et l'on reconnaît qu'il lui a été transmis sans altération dans son originalité pri- mitive, comme le grand manteau doublé d'écarlale, le feutre à larges bords et le bâton recourbé. Le refrain de toutes les chansons consiste à répéter en entier l'air sans les paroles ; et soit instinct musical, intention réelle de la part du chanteur; ou simplement un effet organique qui fait que la voix baisse comme pour chercher à se reposer, ce refrain a toujours une allure lente et mélancolique quelle que soit la vivacité de l'air qu'il reproduit. De même que les pâtres cévenols regardent comme la meilleure danseuse celle qui danse le plus longtemps, ils considèrent assez volontiers comme le plus habile chanteur, celui qui chante le plus fort.