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uité mensongère, et le malaise d'un cœur en qui l'amour s'est
aigri faute d'épanchement.
                En ce point m'ont mis notre frères
                Que je donnerais, par Saint Père !
                Douze frères pour un ami.

    Quel mot amer et touchant à la fois ! Que) mélange de sen-
 timent et d'ironie ! Au resle les vrais coupables de tous les
 désordres monastiques, ce sont, bien entendu, les prieurs et les
 abbés. Car les abbés et les prieurs sont les princes et les car-
dinaux des monastères. Guiot, nouveau Tarquin, en veut tou-
jours aux plus hautes têtes. C'est un écrivain grondeur, frondeur,
querelleur; il y a le génie de l'opposition : c'est un grand homme
né six siècles trop tôt.
    Après l'ordre noire de saint Benoit, vient l'ordre blanche de
saint Bernard, les truands de saint Antoine, les convers tout-
 puissants de Grandmont, et les heureux chanoines prémontrés;
tous sont examinés, appréciés, jugés. Au milieu de ces com-
mérages de parloir, Guiot se met peu-à-peu à son aise ; comme un
convive qui s'égaie à la fin du repas, le poète jette de côté
la gravité officielle du moraliste. Il parle de l'abondance du cœur.
Il critique ces ordres rivaux d'après le degré de bien-être qu'ils
présentent. On sent que le bon moine désirerait faire son salut
au meilleur marché possible : il marchande les austérités du cloître :
il voudrait le ciel au rabais. Il a d'abord essayé de Clairvaux:
mais à peine y avait-il passé quatre mois, qu'il a renoncé à
là robe blanche :
                    Travail" y eut et peine grand.
   D'ailleurs il n'y a point de fraternité dans cet ordre. Les abbés
et les céleriers (économes) gardent pour eux l'avoir et les de-
niers, et la chair et les gros poissons boivent les bons vins,
et envoient les troubles au réfectoire à ceux qui font le grand
'abeur. Guiot n'était à Clairvaux ni abbé ni célerier : il ne put
rester dans un ordre si peu charitable, où le commun des martyrs
ne buvaient que de la piquette. Il était trop vertueux pour tremper
 dans un pareil désordre.