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247 uité mensongère, et le malaise d'un cœur en qui l'amour s'est aigri faute d'épanchement. En ce point m'ont mis notre frères Que je donnerais, par Saint Père ! Douze frères pour un ami. Quel mot amer et touchant à la fois ! Que) mélange de sen- timent et d'ironie ! Au resle les vrais coupables de tous les désordres monastiques, ce sont, bien entendu, les prieurs et les abbés. Car les abbés et les prieurs sont les princes et les car- dinaux des monastères. Guiot, nouveau Tarquin, en veut tou- jours aux plus hautes têtes. C'est un écrivain grondeur, frondeur, querelleur; il y a le génie de l'opposition : c'est un grand homme né six siècles trop tôt. Après l'ordre noire de saint Benoit, vient l'ordre blanche de saint Bernard, les truands de saint Antoine, les convers tout- puissants de Grandmont, et les heureux chanoines prémontrés; tous sont examinés, appréciés, jugés. Au milieu de ces com- mérages de parloir, Guiot se met peu-à -peu à son aise ; comme un convive qui s'égaie à la fin du repas, le poète jette de côté la gravité officielle du moraliste. Il parle de l'abondance du cœur. Il critique ces ordres rivaux d'après le degré de bien-être qu'ils présentent. On sent que le bon moine désirerait faire son salut au meilleur marché possible : il marchande les austérités du cloître : il voudrait le ciel au rabais. Il a d'abord essayé de Clairvaux: mais à peine y avait-il passé quatre mois, qu'il a renoncé à là robe blanche : Travail" y eut et peine grand. D'ailleurs il n'y a point de fraternité dans cet ordre. Les abbés et les céleriers (économes) gardent pour eux l'avoir et les de- niers, et la chair et les gros poissons boivent les bons vins, et envoient les troubles au réfectoire à ceux qui font le grand 'abeur. Guiot n'était à Clairvaux ni abbé ni célerier : il ne put rester dans un ordre si peu charitable, où le commun des martyrs ne buvaient que de la piquette. Il était trop vertueux pour tremper dans un pareil désordre.