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1C2 et porté par une émotion soudaine à révéler sa propre vie, l'homme parla et proclama à la face de la terre l'empire in-r contestable de son intelligence ! La Bible nous représente Dieu lui-môme, amenant à Adam les milliers de créatures qui peuplaient son nouveau domaine, et lui commandant de leur donner des noms : image énergique et sublime, destinée à prouver à tous les siècles que le langage n'est pas une inven- tion graduelle, fruit de longues et savantes combinaisons, mais une faculté inhérente à l'ame et issue spontanément, comme elle, de la volonté toute puissante et toute sage qui a créé chaque être pour le bonheur. Sans prétendre expliquer l'origine du langage, aussi mysté- rieuse que la naissance du premier homme et que l'union de l'esprit et du corps, nous pouvons cependant, jusqu'à un cer- tain point, reconnaître les phases qu'il a subies, et, remon- tant à travers les âges, nous le figurer dans sa forme primi- tive. D'après l'état intuitif et sympathique qui, selon toute probabilité, marqua l'enfance du genre humain, et dans lequel l'ame, liée à la nature entière, en était comme le fidèle mi- roir , le langage, interprèle de la pensée, dut être simple et harmonieux comme elle ; chaque son devenait une image, chaque image un reflet de l'univers. Les sons élémentaires pouvaient alors suffire pour peindre toutes les sensations, parce que la perfection des organes et leur extrême délicatesse permettaient sans doute de les varier davantage, et de leur donner une foule d'inflexions diverses, devenues impercepti- bles de nos jours. Les voyelles, dans leurs modulations sono- res, étaient les cris spontanés de l'ame, et les consonnes, net- tement articulées, caractérisaient chaque impression profonde et fixaient d'un seul trait la pensée. C'est ainsi qu'une étroite sympathie, fondée sur des lois immuables, unit le monde visi- ble au monde intellectuel, dont l'interprète unique fut la pa- role.