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109 cause augmente leur étendue et diminue la masse des eaux du fleuve. Que se passe-t-il sur tout le cours du fleuve ? Chaque province, chaque département, chaque commune, chaque propriétaire, sous le prétexte de défendre, mais plutôt pour étendre son terrain, a, en quelque sorte, déclaré la guerre à l'autre rive. Chacun s'est mis à barrer des bras de la ri- vière pour envahir des îles, à en creuser pour avoir un port près du village, à élever des bouts de digues, des épis, et sans s'inquiéter des dégradations qu'ils pouvaient causer plus bas; petits travaux souvent détruits par les dérangements survenus dans le cours du fleuve, conséquence nécessaire d'ouvrages semblables, élevés en amont. Il est résulté de tout ce mouvement que les berges n'ont qu'une durée éphé- mère et ne peuvent jamais se consolider. Après avoir ainsi bouleversé tout le lit du fleuve, excepté dans les parties où il coule sur le rocher, après avoir dé- rangé le régime de ses eaux, nous nous écrions dans notre sot aveuglement : II n'y a plus d'eau dans le Rhône, il faut Établir un chemin de fer. N'y a t i donc point de remède? Ne sommes-nous pas ——l trop présomptueux en voulant établir une route artificielle pour remplacer cette voie si commode et si prompte de communication ? S'il est vrai que la masse des eaux diminue constamment depuis plusieurs siècles dans les principales rivières de l'Eu- rope, et que cette diminution progressive soit une loi de la nature, nous ne pouvons l'empêcher, rmais nous pouvons faire reculer l'époque où la navigation deviendrait impos- sible. Il ne dépend pas de nous qu'il tombe un millimètre d'eau de plus ou de moins sur le territoire d'un fleuve, mais il dépend de nous que les eaux basses soient moins basses