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 « notre désir, à la réalisation parfaite de l'infini, il n'y a au-
  « cune raison qui puisse nous porter à l'admettre. » Mais la
 force de cette objection ne repose que sur une illusion logi-
 que. Car si un progrès sans fin ne répond dans aucune des dif-
 férentes époques qui le composent à notre désir, néanmoins le
 progrès tout entier, dans son ensemble, dans son infinité, com-
 ble nécessairement, même des vœux infinis. Précisément
parce qu'il nous est impossible de réaliser jamais complète-
ment l'infini dans un moment donné, et que néanmoins nous
 en avons le désir naturel, il ne nous reste plus, pour satisfaire
ce désir autant que notre nature le comporte, qu'à nous appro-
cher éternellement de l'infini, et à le réaliser ainsi dans l'en-
semble d'une carrière sans bornes.
    La certitude de l'immortalité étant ainsi psychologiquement
établie, les difficultés ontologiques que Strauss a fait valoir
plus haut pour en conclure qu'elle est impossible, ne pourront
nullement nous embarrasser, vu que nous ne reconnaissons
d'autre point de départ, d'autre critérium que la psychologie.
D'ailleurs, les argumens ontologiques que Strauss allègue sont
loin d'être concluants. Les plus forts d'entre eux ne sont que
des hypothèses qui tombent aussitôt qu'on creuse plus à fond,
et surtout dès qu'on tient compte des désirs qui se trouvent
dans notre cœur. Il est d'autres difficultés ontologiques bien
plus grandes, que l'on pourrait tirer de l'ensemble de notre
propre système, le système théiste. La doctrine d'une immor-
talité individuelle est, comme celle de la liberté humaine, logi-
quement inconciliable avec celle d'un dieu infini, présent par-
tout, omni-scient et personnel. Le théisme offre, sous ce
rapport, des difficultés insolubles à la raison. Mais qu'importe!
La logique doit céder le pas â la psychologie. Les difficultés
que présente la doctrine de l'immortalité fussent-elles encore
plus grandes qu'elles ne le sont en effet, les contradictions
qu'offre le système dans lequel elle est admise fussent-elles