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15 Non... jamais la pitié n'a mouillé (a paupière ; Jamais l'amour n'a lui dans ton regard fatal ; Les pleurs du malheureux, comme l'eau sur la pierre, Glissent sur ton cœur de métal. Le stérile rocher où vient briser la lame, Le rivage désert où s'abat le corbeau, Est moins nu, moins aride encore que ton ame, Ce vivant et sombre tombeau. En vain, le ciel te parle avec ses yeux sans nombre, Et vers les hauts pensers provoque ton essor ; Sourd à sa douce voix, tu demeures dans l'ombre, Le front penché sur ton trésor. Oh ! jamais dans la nuit ton ardente prunelle N'a cherché le jour pur qui ne doit plus finir ; Jamais les visions n'ont emporté ton aile Aux vagues champs de l'avenir. Laisse toi donc aller au désir qui t'emporte, Suis le fantôme vain qui détourne tes pas ; Tu verras, quelque soir, arriver à ta porte Un hôte que tu n'attends pas. Tandis que solitaire, au fond de ta demeure, Tu recomptes ton or, d'une invisible main, La mort sur ce cadran marque ta dernière heure, Et te dit tout bas : à demain !