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778                          CHIIONIQUE ATHLÉTIQUE.
au style plus sérieux, à la digne tenue du nouveau régisseur. — Rassurons-nous,
cependant, il n'en est pas encore à l'habit noir. Avait-il même un habit, dimanche
dernier?
   Pas d'habit ! — Est-ce un reproche ? — Non certes ; car si j'avais à me plaindre,
ce serait bien plutôt de l'excès d'habillé. Parmi ces athlètes qu'on nous exhibe, il
se trouve de corrects modèles, des contours irréprochables. Morel, de A'illefranche,
le petit Blanchard, etc., offraient des formes vraiment dignes de fixer les yeux
d'un artiste. Pourquoi donc les enfouir sous ce long pantalon qui dérobe au regard
les parties les plus belles à voir en action ? Le simple et suffisant costume du bai-
gneur choquerait-il plus les bienséances ici, que à deux pas, sur la digue de la Tête-
d'Or ? Que Messieurs de l'Arène y prennent garde ! Je me suis mêlé à tous les grou-
pes ; j'ai, pour ainsi dire, recueilli les voix, et je les avertis que, entre deux cham-
pions, égaux en force, toujours les sympathies (j'ajoute les sympathies les plus
flatteuses ) s'attachent instinctivement au caleçon le plus court !
    A voir l'affluence qui emplit l'étroite enceinte, on ne peut douter que ce genre de
spectacle ne réponde à un ordre de goûts généralement inné et solidement enraciné
dans notre population, le culte de la prépondérance musculaire. Il ne serait peut-
être point inutile d'examiner si la satisfaction de ce goût ne tend pas à le surexciter
à un degré dangereux ; si, voyant cette sorte d'hommage public rendu à la vigueur
dos poignets, le spectateur ne sera pas ensuite moins accessible à l'empire du juste
et du vrai. Ce qu'il y a de certain, c'est que, sans être ( à part quelques saignements
de nez) le moins du monde sanguinaires, ces jeux répandent comme une atmosphère
de violence et de rudesse, qu'il n'est point indifférent d'avoir humée un peu long-
temps. J'ai plusieurs fois vu, en en sortant, de jeunes enfants continuer entr'eux,
pour de bon, la partie que les hercules salariés avaient eu le sens de terminer sans
coup férir. Franches et candides natures, ils montraient aiusi, dans toute l'ingénuité
de leur âge, le péril d'un tel exemple tant que la raison n'en contrebalance pas
l'effet. Mais parmi les spectateurs adultes, en est-il donc là beaucoup chez qui la rai-
son serait un contrepoids toujours suffisant ?
   Mais il s'agit bien de tout ce pathos. Voici Bibengavd , dit l'Ours des
Basses-Alpes, et Lause, dit le Bœuf, qui viennent d'entrer en scène. Car tout homme
ici a son surnom, fruit précieux, le plus souvent, de glorieux services. L'Invincible,
l'Aimable, l'Espérance, Va-de-Bon-Cœur, Vhitombable, Sans-Merci, la Sangsue, la
Fouine, le Terrible, le Flambard, Marteau, Tape-à-1'OEil, l'Homme-à-Poils, le Co-
losse de l'Arbresle, le Boulanger, etc., etc., tels sont les plus connus de ces sobri-
quets, dont la nomenclature complète et raisonnée ne serait pas sans intérêt. Chaque
athlète lient au sien, et fronce le sourcil si l'on oublie d'en instruire le public.
Notre classique ex-directeur connaissait trop bien cet usage, pour vouloir omettre